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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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préférez le bleu ou le marron ? Choisissez !
     
    – Taisez-vous, c’est odieux ! Je vous en prie, n’allez pas à la fête avec ce… cette… Vous attirerez encore plus l’attention !
     
    – Quoi ? Vous voudriez priver du plaisir de la fête un vaillant militaire qui a perdu un œil à Waterloo ? Allons, Charlotte, votre tranquillité n’est pas menacée. Dès la fin du spectacle, je m’esquive !
     

     
    Comme tous les étrangers qui assistèrent à la fête des Vignerons, Blaise de Fontsalte fut subjugué par cette grandiose célébration de la vigne et du vin. En prenant place dans la tribune, le général se souvint que dix-neuf ans plus tôt, à la veille de son vingtième anniversaire, le 13 mai 1800, il se tenait sur cette même place du Marché, attendant Bonaparte qui devait passer en revue six mille hommes en route pour l’Italie.
     
    Au-delà des gradins, Blaise repéra aisément l’hôtel de Londres et le balcon d’où Charlotte Métaz, jeunette, blonde, gracieuse, élégante, lui avait adressé, ce jour-là, un geste de la main qui allait engager son cœur pour longtemps. Car il lui avait été fidèle de cœur, sinon de corps, à sa Veveysanne. Il tira sa lorgnette, imaginant que Dorette pouvait avoir choisi ce même balcon pour suivre de loin le spectacle du moment, mais sa lunette ne rapprocha que des matrones à ombrelle et des visages d’enfants coincés entre les barreaux du garde-fou.
     
    Dans l’arène bruyante, inondée de soleil, hérissée de mâts porteurs d’oriflammes aux couleurs des cantons, de banderoles, de l’écu vert et blanc du pays de Vaud, une foule dense et joyeuse s’impatientait. Les ombrelles, les chapeaux de paille et les robes claires des femmes transformaient les gradins en une cascade bigarrée et frémissante. En attendant que la fête commençât, Blaise ouvrit le livret officiel qu’il avait acheté à l’entrée et lut le préambule :
     
    « Les événements politiques survenus ces années dernières sont encore présents à notre mémoire ; les années calamiteuses que nous avons traversées, si heureusement comparativement à d’autres peuples, sont trop récentes pour les avoir oubliées ; il est donc inutile de rappeler que ce concours de circonstances a mis un intervalle de vingt-deux ans entre la dernière Fête et celle que nous allons célébrer, avec d’autant plus de plaisir et de satisfaction qu’à des années de discorde et de deuil, a succédé pour l’Europe une paix générale basée sur un système protecteur des petits États comme des grands 4 . »
     
    « Braves Vaudois ! Pourvu que ça dure », se dit Blaise, à la manière de Letizia Bonaparte lors du couronnement de son fils !
     
    Un silence subit, imposé par le carillon de la Grenette, annonça le commencement de la parade. Du porche ménagé dans la base de la tribune surgirent bientôt tambours et fifres et un détachement de militaires, les fameux Cent-Suisses, puis les vignerons de l’année, couronnés par leurs pairs pour avoir présenté les plus belles vignes. Tous précédaient le grand maître de la fête, l’abbé-président de la Confrérie, habit brodé, tricorne empanaché de blanc et crosse en main. « C’est M. Louis Levade », souffla quelqu’un. Escortant cette personnalité, les membres du Conseil suivaient avec gravité. Visage et ventre ronds, ils apparurent à Fontsalte, dans leur habit vert amande, réjouis comme les gens arrivés par le travail et le mérite.
     
    Se succédèrent des bergères à la robe bleue, des bergers avec leurs moutons, des jardiniers, outil sur l’épaule. Puis vint le cortège de la déesse Palès, une jolie fille couronnée de roses et portée par quatre femmes sur un trône à dais. Sa robe blanche, brodée de fleurs, et ses anglaises brunes furent remarquées par les voisines de Fontsalte, qui citèrent la couturière de cette reine des bergers. Les vachers et leurs vaches à robe rousse furent applaudis autant que la belle Palès, moins cependant que Cérès, sœur de Jupiter, déesse des moissons, une superbe blonde au buste marmoréen, précédée de prêtresses et de canéphores qui balançaient des encensoirs. Enfin, apparurent les vignerons, héros de la fête. La bannière de leur Confrérie, dont la devise en lettres d’or résumait la divine consigne Ora et Labora – prie et travaille – fut saluée par de longues acclamations. Ces Vaudois du vignoble ouvraient la voie à

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