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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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moi et fais tout le mal que tu pourras à ces assassins ! rugit Flora en s’arrachant aux bras de son amie.
     
    – Emmène-la, ordonna Fontsalte à Titus, sans marquer la moindre émotion.
     
    Quand le maréchal des logis eut disparu avec sa prisonnière, Blaise ferma la porte-fenêtre et revint près du fauteuil où M me  Métaz restait prostrée, hébétée de stupéfaction et de chagrin. L’officier lui caressa les cheveux. Elle leva sur lui un visage mouillé de larmes.
     
    – Vous n’allez pas la fusiller, dites ! Dites-moi, vous n’allez pas la tuer…, cette jeune fille ! C’est une malheureuse. Elle a eu tant de chagrins par les Français qu’elle ne sait plus ce qu’elle fait ni ce qu’elle dit !
     
    – Elle sait en tout cas ce qu’elle écrit ! Vous l’avez vu comme moi, n’est-ce pas ! Les renseignements qu’elle se préparait à livrer à nos ennemis, qui sont aussi ceux de la Suisse, ne l’oubliez pas, auraient causé la mort de nombreux braves garçons, dont des Vaudois et des Valaisans qui marchent avec nous. Vous auriez pu compter encore plus de mères, d’épouses et de fiancées en deuil si ces papiers n’avaient pas été interceptés.
     
    – Mais, puisqu’ils n’ont pas été livrés, puisqu’ils n’ont pu faire de mal, dites, épargnez-la ! supplia Charlotte.
     
    Elle s’était dressée et s’agrippait aux brandebourgs du dolman de Blaise, la joue contre la poitrine de l’officier. Le menton dans les cheveux de la jeune femme, Fontsalte s’efforçait à l’impassibilité. Il finit par prendre M me  Métaz aux épaules et, l’éloignant de lui, la fixa avec une telle intensité qu’elle baissa la tête.
     
    – Vos yeux sont durs, si bizarres ! Ce ne sont pas des yeux ordinaires. Ils sont différents l’un de l’autre, comme s’ils n’appartenaient pas au même homme. Ils font peur ! D’ailleurs Flora l’a remarqué. En me quittant, elle vient de me souffler, parlant de vous : « C’est un cruel. Il a l’œil vairon. » Et c’est vrai, il faut être cruel pour faire fusiller une jeune fille, larmoya-t-elle.
     
    – Il m’arrive cependant, madame, de me laisser attendrir !
     
    – Que faut-il faire, mon Dieu, pour vous convaincre de ne pas tuer Flora ? dites-le ! Je suis prête à payer… beaucoup. J’ai de l’argent et même de l’or, là-haut, dans ma chambre !
     
    Blaise recula d’un pas et posa sur Charlotte un regard de fausse commisération.
     
    – Vous tenez les officiers français dans un tel mépris que vous imaginez que je pourrais vous… vendre une prisonnière !
     
    La vivacité de la réplique comme le ton de Fontsalte laissèrent Charlotte décontenancée. Elle bafouilla un « Pardon, je ne voulais pas vous offenser », qui prouvait son désarroi. La proposition de cette femme, si proche et si peu vêtue, dont la chair tiède exhalait un parfum animal, avait agacé Blaise. Il eut soudain envie de lui faire payer son impudence.
     
    – Sachez qu’il n’y a qu’une seule chose que je puisse accepter de vous, pour épargner la vie de l’espionne qui vous est si chère.
     
    – Mon Dieu, dites ce que vous voulez ! Rien ne peut avoir plus de prix qu’une vie. Que voulez-vous ?
     
    Blaise évalua la faiblesse de cette jolie nigaude qu’il dominait de sa haute taille et s’efforça de prendre un air rassurant, presque tendre. Les femmes, au fil des aventures, l’avaient rendu conscient qu’à certains moments il pouvait tirer profit de la dualité troublante de son regard. Le flux glacé de son œil sombre s’atténuait tandis que l’œil bleu irradiait un fluide enjôleur. Comme d’autres avant elle, M me  Métaz fut sensible à cette fascinante aptitude. Quand elle répéta d’une voix rendue rauque, plus par émotion que par crainte : « Que voulez-vous ? » elle connaissait déjà la réponse.
     
    – Vous, dit Blaise en tirant le ruban rose qui fermait le col du déshabillé et en se penchant pour effleurer de ses lèvres l’épaule nue de Charlotte.
     
    L’épouse de Guillaume Métaz, bourgeois de Vevey, se souvint à point nommé qu’elle était mariée, que l’adultère, même forcé, était un péché, qu’une femme ne devait pas céder à l’injonction bestiale d’un guerrier, si beau fût-il, que tout abandon, même résigné, équivalait, dans la circonstance, à un viol… accepté. Elle dit cela et beaucoup d’autres choses, se récria contre l’odieux

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