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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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service, urgente et grave, vous montrer quelque chose. Pouvez-vous descendre ?
     
    Le ton était aimable mais comminatoire.
     
    – Mon Dieu, je descends tout de suite, capitaine…, le temps de passer un vêtement.
     
    Blaise entendit Charlotte pester après Polline, qui ne se montrait pas.
     
    Une minute ne s’était pas écoulée que M me  Métaz apparut dans le salon, où Blaise était retourné pour l’attendre. Peu de femmes sont au mieux de leur beauté quand on les tire brutalement du lit. La plupart de celles qu’avait connues Fontsalte redoutaient de se montrer avant une station, qui pouvait être longue, devant leur coiffeuse. Sans poudre ni fard, les cheveux en désordre, la peau luisante et l’œil embué, elles ne souhaitaient que cacher leur visage au naturel et dissimuler, sous une robe de chambre, un corps libéré du corset. Certaines contenaient de leurs bras croisés une poitrine que la verticale mettait en déroute !
     
    Charlotte Métaz apparut, au contraire, plus belle et plus fraîche que la femme quittée quelques heures plus tôt. Visage rose et lisse, regard clair, coiffure aux gaufrures ordonnées, elle se présenta avec l’aisance d’une lady à l’heure du thé. Un déshabillé léger, fermé au cou par un ruban de velours rose, laissait deviner, à travers le fin lainage, la pointe framboisée des seins émergeant du décolleté béant d’une chemise de batiste. Fontsalte, qui savait son Racine par cœur, ne put s’empêcher de citer Britannicus :
     
    –  Belle, sans ornements, dans le simple appareil
     
    » D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil , déclama-t-il en s’inclinant.
     
    – Monsieur ! Monsieur ! protesta Charlotte en rentrant dans l’ombre.
     
    – Ce n’est hélas pas pour badiner, madame, que je me conduis en intrus dans votre maison et… dans votre nuit, car…
     
    – Permettez un instant que je réveille Polline. Elle est sourde et dort à l’autre bout de la maison, interrompit Charlotte, rappelée aux convenances.
     
    D’un geste, Blaise la retint.
     
    – Ce que j’ai à vous dire et à vous montrer ne regarde pas, à mon avis, votre domestique. Quand vous serez informée, vous en userez comme il vous plaira, mais écoutez-moi d’abord. Je vais être bref. Connaissez-vous cette écriture ? dit Blaise en posant sur le piano, dans le cercle de lumière du chandelier, un des feuillets recueillis par Trévotte.
     
    À dessein, il avait choisi un passage anodin où il n’était question que de fournitures de vivres.
     
    M me  Métaz ne prit même pas le temps de la réflexion ; spontanée et franche, elle révéla sans méfiance qu’il s’agissait de la belle écriture de son amie Flora. Puis aussitôt elle s’inquiéta :
     
    – Il ne lui est rien arrivé de fâcheux…, pas d’accident…, elle n’a pas écrit de libelle contre Bonaparte, au moins ? C’est une tête politique, Flora. C’est rare chez une femme… Dites-moi, capitaine ?
     
    Fontsalte considéra Charlotte, revenue pour lire dans la zone de lumière et des transparences complices. Il la trouva fort désirable. « Tudieu ! se dit-il, si les hommes et les femmes obéissaient encore à leurs seuls instincts, répondaient sans honte aux appels primitifs du plaisir, si nous étions restés cavernicoles barbares et lubriques innocents, comme la vie serait simple ! »
     
    Les circonstances voulaient qu’elle ne le fût pas et il dut, anthropoïde asservi, policé par mille civilisations hypocrites, détruire le charme du moment.
     
    – Permettez-moi de vous amener votre amie. Elle est tout près d’ici.
     
    Avant que Charlotte eût pu traduire son étonnement, Blaise avait disparu. Incapable de comprendre cette folle situation ni d’en imaginer la cause, elle saisit le chandelier et, par réflexe de coquetterie, approcha son visage d’un miroir. Mouillant son index de salive, elle redressa ses cils, fit mousser ses cheveux, puis s’acceptant, avec un soupir de résignation satisfaite, telle qu’elle se voyait, se laissa tomber dans un fauteuil en prenant soin de croiser sur ses genoux les pans de son déshabillé. Quand Fontsalte revint, poussant devant lui une Flora réticente et hargneuse, M me  Métaz offrait l’aimable spectacle d’une dame qui, à son jour, s’apprête à recevoir les habitués de son salon.
     
    – Voyons, Flora, que se passe-t-il ?… Comment es-tu dehors à cette heure-là ? s’écria

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