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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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générations futures doivent s’en souvenir et je trouve que l’idée – elle est certainement de Bonaparte – d’inhumer ce général au sommet d’une montagne autrefois dédiée à Jupiter ne manque pas de panache, ajouta Chantenoz.
     
    – Mais les milliers de sans-grade qui sont morts dans cette bataille de Marengo, eux, n’auront pas de monuments. Peut-être même pas de sépulture, grogna Blanchod.
     
    Dans le calme du soir, devant le lac ridé par une faible brise, sous le ciel piqueté d’étoiles comme ciel de théâtre, les tueries de la plaine lombarde paraissaient lointaines, irréelles. Charlotte soupira, en laissant sa nuque aller contre le dossier du fauteuil d’osier.
     
    – Ne sommes-nous pas des privilégiés de la vie ? La paix paraît une chose si simple et si bonne ! Pourquoi les hommes ne sont-ils pas capables de reconnaître que c’est le bien le plus précieux des peuples ? Pourquoi ne décident-ils pas de traiter la guerre en hors-la-loi ? demanda-t-elle, les yeux au ciel.
     
    Chantenoz contempla ce profil pur, sous les bandeaux soufflés de la coiffure, la main allongée sur l’accoudoir et le renflement des seins, sous la soie tendue du corsage. Comme elle était désirable, cette femme qui, dans un instant, s’en irait dormir dans le lit de Guillaume ! Brusquement, le jeune homme se leva, s’éloigna sur la terrasse, vers le muret qui surplombait le lac, s’absorba un instant dans la contemplation de l’eau noire, puis revint sur ses pas.
     
    – Allons, voici le pied du vent, demain nous aurons la pluie, dit-il en désignant le feuillage du tilleul qui frémissait sous la brise.
     
    Les bonsoirs fusèrent, le cercle des intimes se rompit et Guillaume s’en fut, comme chaque soir, fermer la grille de la cour, avant de s’attabler devant ses livres de comptes. Après sa toilette, Charlotte, en camisole de nuit, s’accouda à la fenêtre de sa chambre pour goûter la fraîcheur de la nuit et cette odeur douceâtre du lac qui annonçait, comme le pied du vent, un changement de temps.
     
    Cette quiétude particulière aux rives du Léman, petite mer enchâssée dans le cirque alpin comme saphir dans son chaton, avait une contrepartie. Ici, les jours et les saisons se succédaient sans qu’on y prît garde. Tout paraissait lent : les gens, leurs gestes, leur démarche, leur parler, leur esprit, parfois. « On ne gravit pas les pentes du vignoble en courant et il faut autant de patience que de vent pour naviguer entre Vevey et Meillerie », disaient les Veveysans. Cette désinvolture qu’avait la vie, de prendre son temps, était, pour Charlotte, à la fois plaisante et pesante. Partagée entre l’espoir et la crainte de le voir réalisé, M me  Métaz n’osait formuler son désir d’imprévu.
     
    Au moment où elle gagnait son lit, elle perçut le roulement, sur les pavés de la rue du Sauveur, d’une berline qu’elle imagina lourde et rapide. « Un voyageur », pensa-t-elle. Elle s’endormit près de son époux, sans se douter que Blaise de Fontsalte, chef d’escadrons de la Garde des consuls, venait d’arriver en ville pour prendre logement à l’hôtel de Londres, à cent pas de Rive-Reine.
     
    1 Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers . Inspirée par l’ouvrage de Chambers (1729) et dirigée par Diderot (1751-1772), elle eut notamment pour collaborateurs Voltaire, Montesquieu, Rousseau, que l’on désigne pour cette raison sous le terme d’Encyclopédistes. Le Discours préliminaire , synthèse des connaissances de l’époque, est dû à d’Alembert.
     
    2 Publiée en 42 volumes (1770-1780) par Fortuné-Barthélemy de Felice et dont les principaux collaborateurs furent Alexandre-César Chavannes, théologien, Mingard et Juventin, pasteurs.
     
    3 Catholiques et protestants dans le pays de Vaud , Bernard Reymond, professeur de théologie à l’université de Lausanne, éditions Labor et Fides, Genève, 1986.
     
    4 Les religieuses ursulines avaient ouvert cet établissement d’éducation en 1634, soit un siècle avant la fondation à La Nouvelle-Orléans, par six de leurs sœurs, du premier pensionnat de jeunes filles de Louisiane.
     
    5 Né à Stuttgart en 1779, mort à Vevey en 1847. Il fut, dès 1810, l’illustrateur attitré de l’almanach du Messager boiteux . Il est le grand-père de Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923), célèbre peintre montmartrois du cabaret du Chat-Noir,

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