Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
boire, laver des verres, car ils doivent sentir le placard !
     
    M me  Métaz faisait preuve d’une grande vivacité. Son enjouement parut à Blaise un peu fébrile, un peu forcé, comme celui d’une fillette décidée à faire une sottise, mais qui veut s’en distraire jusqu’au passage à l’acte. Blaise avait envie de prendre cette femme dans ses bras et de l’embrasser, mais il se contint, devinant l’ambiguïté de ce rendez-vous, supputant l’intensité des scrupules qui pouvaient encore agiter l’esprit de Charlotte. Et puis il voulait qu’elle vînt à lui consciente et libre. Il trouva un seau et se dirigea vers le puits.
     
    – Blaise, faites attention aux guêpes. Elles volent toujours autour du puits.
     
    Il sourit. Elle avait prononcé son prénom pour la première fois, sans même s’en rendre compte, comme si existait déjà entre eux une connivence inexprimée.
     
    Quand il l’eut aidée à laver les verres et à dresser la table sous la treille, après qu’elle eut tiré d’une armoire une nappe blanche, il s’enquit de Flora.
     
    – Elle n’a pas voulu me voir, n’est-ce pas ?
     
    – Elle est allée au village où sa sœur, l’épicière de La Tour-de-Peilz, possède une maison. Mais vous la verrez quand elle reviendra me chercher… demain.
     
    Ce « demain », prononcé d’une voix volontaire, leva toute incertitude quant au consentement de Charlotte. Blaise ouvrit les bras, elle s’y blottit et ils échangèrent leur premier baiser.
     
    Après un repas de viande des Grisons et de fromage d’Appenzel, arrosé d’un dézaley frais extrait de la cave dont Charlotte dit avec fierté « c’est le vin de ma vigne », ils se tinrent longtemps enlacés, observant joue contre joue les lueurs du couchant qui rougissaient le ciel, du côté de Genève, et métamorphosaient le lac en une fluide palette abandonnée par un peintre. Conscients l’un et l’autre que ce moment laisserait à jamais dans leur mémoire l’empreinte d’un bonheur simple, dérobé, mais encore innocent, ils patientèrent jusqu’à la nuit complète pour entrer dans la maison.
     
    Blaise voulut que Charlotte passât le seuil dans ses bras, comme une mariée.
     
    – C’est la première fois que j’entre dans ma maison des vignes sans toucher le sol, remarqua-t-elle.
     
    – En somme, ce sera comme si vous n’étiez pas venue, dit-il en la portant jusqu’au lit.
     
    Ils s’aimèrent fenêtre ouverte sur la nuit. Blaise, attendri par l’approche confiante et franche de Charlotte – elle l’avait un peu étonné en se glissant nue dans le lit – prolongea avec déli catesse les préludes. Vêtue, Charlotte paraissait gracile, presque frêle et comme soucieuse de modestie physique, encore que l’arrogance du buste et la finesse de la taille ne puissent être dissimulées. La nudité révéla des formes pleines et d’une irréprochable harmonie. Peut-être à cause de la blancheur, du soyeux de la peau et de l’aisance dans l’abandon qu’elle manifesta spontanément, émanaient de la jeune femme une fraîcheur et une grâce qu’il eût tenues pour virginales, s’il n’avait su Charlotte en puissance de mari !
     
    Aucune femme ne lui avait procuré pareille sensation de neuf, d’inexploré, d’inédit. Entre deux étreintes, ils échangèrent des confidences, sur leurs enfances, leurs jeunesses si différentes, leurs études, leurs goûts qui se révélèrent assortis, leurs façons de vivre. Charlotte voulut tout connaître du passé de Blaise. Quand elle sut qu’il était noble, marquis et propriétaire d’un château, même en ruine, car il ne cacha pas la pauvreté de sa famille, elle gloussa de contentement.
     
    Elle voulut apprendre l’origine de toutes les cicatrices qu’elle découvrit sur le corps de Blaise et qu’elle caressa de ses lèvres. À l’épaule : un biscaïen prussien à Lauterbourg ; à la hanche : un coup de poignard mamelouk, reçu en Égypte ; à la cuisse : une estafilade toute récente, due au briquet d’un fantassin autrichien près d’Alessandria, sous les murs de Castel Ceriolo.
     
    – Il m’a gâché une culotte de daim, mais je lui ai fendu la tête d’un coup de sabre !
     
    – Mon Dieu ! s’exclama Charlotte, à la fois admirative et horrifiée.
     
    – Ce n’était qu’une embuscade et un mort parmi d’autres. Il y en eut beaucoup, ce jour-là, croyez-moi. J’ignorais encore qu’une vraie bataille se

Weitere Kostenlose Bücher