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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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attirerait l’attention des paysans. D’ailleurs, le chemin est trop étroit. Je vous rejoindrai avec Flora à la fin de l’après-midi, le temps d’organiser les choses.
     
    – Pour que vous soyez tout à fait quiète, je vais quitter l’hôtel dès cet après-midi. Sur la route, j’abandonnerai ma voiture et j’enverrai le sous-officier qui me sert de cocher m’attendre à Lausanne. Je monterai à Belle-Ombre avec Yorick…
     
    – Yorick ? interrompit Charlotte.
     
    – C’est mon cheval, rassurez-vous.
     
    – Mon Dieu, il y a bien un quart d’heure que nous bavardons, dit M me  Métaz, se dégageant des bras de Blaise.
     
    – Reprenez donc mon coupe-papier, dit-il en lui tendant le poignard égyptien.
     
    – Non, je ne veux pas reprendre cette arme. C’est un miracle qu’elle vous soit revenue. C’est un signe, aussi. Le malentendu qu’elle a failli mettre entre nous justifie la méfiance de ma mère envers les cadeaux tranchants : ils coupent les amitiés !
     
    Blaise laissa la jeune femme quitter seule le temple. Quand il estima qu’elle avait dû regagner les rues de la ville, il quitta l’église. Sur le parvis, il croisa un homme austère, qui portait un panier empli de petits livres identiques et s’épongeait le front d’un grand mouchoir à carreaux. Il identifia sans peine un pasteur et le salua militairement d’un geste ample.
     

    Deux heures plus tard, le commandant, ayant troqué son uniforme contre une redingote légère, coupée à Milan par le tailleur Boroni dont une des filles l’avait distrait pendant quelques jours, gravissait, comme un flâneur, le chemin raide et sinueux qui montait à Belle-Ombre. Il découvrit une modeste maison de vigneron au toit de tuiles, nichée au milieu du vignoble de Lavaux, sur une terrasse ombragée par une demi-douzaine de châtaigniers. C’est de ce bosquet que la demeure isolée tirait son nom. Ces quelques arbres étaient les survivants des milliers de châtaigniers qui couvraient autrefois les flancs et alentours du mont Pèlerin, avant que les Vaudois ne les abattent pour planter leurs vignes.
     
    Sur la terrasse, devant la maison, volets et portes clos, il avisa un banc sous une treille épaisse et s’y installa commodément, après avoir attaché Yorick sous un appentis afin de le dissimuler aux regards. Le lieu paraissait désert, mais, çà et là, chemin faisant, il avait vu, dans les vignes, des hommes et des femmes penchés entre les ceps. Les effeuilleuses, coiffées de chapeaux de paille mais dévêtues à l’extrême de la décence – elles ne portaient qu’une courte jupe et un gilet de toile sans manches, largement échancré – étaient au travail sous le soleil ardent. Elles devaient d’abord supprimer les feuilles qui, faisant de l’ombre aux grappes naissantes, pourraient ralentir le mûrissement, puis, avec des torsades de paille, lier les branches divergentes de la vigne aux échalas. Les hommes, maniant le raclet, grattaient la terre autour des pieds de vigne, arrachaient les mauvaises herbes et enfermaient dans des sacs les tiges des graminées prolifères afin qu’elles ne puissent, avec la complicité du vent, répandre leurs mauvaises graines à travers le vignoble.
     
    Ayant tiré sa longue-vue de son portemanteau, Blaise se mit à observer ces travailleurs, hommes et femmes qui, de temps à autre, se redressaient, se frictionnaient le dos, se retournaient vers le lac, véritable réflecteur argenté, puis se passaient une gourde où chacun buvait à la régalade.
     
    Les vignes étaient à peu près désertées quand il vit, de loin, sur le chemin qu’il avait emprunté, monter une charrette capotée de toile. Sa longue-vue lui permit bientôt de reconnaître Charlotte et Flora.
     
    Charlotte aperçut la première l’officier et lui fit un signe de la main, puis, le chemin aboutissant derrière la maison, la charrette disparut aux regards de Blaise. Il fut surpris un instant plus tard de voir l’attelage reprendre la route et descendre vers les premières maisons de Rivaz. Comme il s’étonnait de cette manœuvre, Charlotte apparut au bout de la terrasse, vêtue d’une robe claire, simple comme celle des paysannes. Elle portait deux lourds paniers et souriait.
     
    – Venez m’aider, dit-elle en tirant une grosse clé de sa ceinture. Avant tout, ouvrir les volets qui sont à l’ombre de la treille, tirer de l’eau au puits, derrière la maison, et, si nous voulons

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