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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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aux soldats des temps à venir.
     
    Blaise se tut, demeura un instant pensif et, comme s’il revivait la fin du héros, murmura :
     
    » Et dire que, sans son aide de camp, le colonel Savary, Desaix aurait été enterré avec les autres morts, sans distinction ni cérémonie !
     
    – Comment cela ? demanda Charlotte.
     
    – Il tomba en pleine mêlée, frappé d’une balle au cœur. Foudroyé, jeté à bas de son cheval, sans un mot, contrairement à ce que dirent le lendemain ces bonnes âmes qui veulent toujours que les héros prononcent en mourant des paroles édifiantes ! Au moment où la balle atteignit le général, ce dernier chevauchait à peu de distance de Lefebvre-Desnoëttes qui, dans le feu de l’action – croyez-moi, dans ces moments, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous – ne vit pas ce qui se passait. Mais un sergent de la 9 e  brigade d’infanterie légère, que commandait le colonel Barrois, aperçut Desaix, étendu près de son cheval, et demanda à son chef la permission de prendre la capote du général. Il remarqua qu’elle était percée dans le dos, ce qui a, depuis, conduit certains d’entre nous à s’interroger tristement sur l’origine du coup mortel. Dans le feu de l’action, Desaix n’a-t-il pas été atteint par une balle française ? Voilà la question que plusieurs de ceux qui participèrent à la bataille continuent à se poser, sans pouvoir y répondre. En craignant d’y répondre. Cette pensée, aujourd’hui encore, m’est odieuse, mais la guerre a parfois tant de malignité ! J’ai connu des cas semblables. Les artilleurs chargés de soutenir une attaque de l’infanterie n’ajustent pas toujours leurs tirs avec précision. J’ai vu des boulets tomber au milieu des nôtres et faire de vrais ravages. Enfin, Desaix est mort au champ d’honneur, c’est tout ce qu’il faut retenir !
     
    – Et où étiez-vous, Blaise, à ce moment-là ?
     
    – J’étais près du colonel Savary, à qui je venais de remettre un message du général Kellermann, quand le colonel Barrois vint annoncer la mort de Desaix, tombé à cent pas de l’endroit où nous nous trouvions. Nous courûmes au lieu indiqué. Le général gisait parmi d’autres morts et des blessés gémissants. Il ne lui restait sur le corps que sa chemise trempée de sang… Il avait déjà été entièrement dépouillé de ses vêtements…
     
    – Dépouillé ! Pourquoi et par qui, mon Dieu ?… Les Autrichiens sont-ils des détrousseurs de cadavres ? demanda d’un ton scandalisé Charlotte.
     
    – Les Autrichiens étaient bien trop occupés à décamper, ma belle. Les cavaliers du 8 e  régiment de dragons et des 2 e et 20 e de cavalerie les poursuivaient sur les berges de la Bormida. Non, ce sont les nôtres, qui avaient mis à profit ce moment de déroute pour se pourvoir. Une dure coutume de la guerre veut que l’on dépouille, sans scrupule, ses frères morts. Les armes, les vêtements, l’argent, la montre, si le défunt en possédait une, sont prestement ramassés par les survivants. Et d’ailleurs, si l’on y réfléchit, les morts n’ont besoin ni de capote ni de montre ! Hein ! Autant que cela serve aux camarades qui, le lendemain peut-être, seront à leur tour dépouillés ! J’aurais, comme Savary, douté que le gisant fût Desaix si nous ne l’avions reconnu à sa forte tignasse et au ruban qu’il nouait autour du front pour retenir ses cheveux. Personne n’avait encore osé prendre ce lien et je l’ai conservé pour l’offrir, si Dieu m’en donne le temps, à une certaine demoiselle qui, quelque part en Alsace, pleure peut-être notre héros.
     
    – Sa femme ?
     
    – Une femme. Une de celles qu’il a connues au cours de ses campagnes, quand il commandait l’armée du Rhin. Mais celle-là, Amélie Ferrériout, de Poussay, dans les Vosges, tenait, semble-t-il, une place à part dans son cœur. Desaix croyait être le père d’une fillette, Marie-Rosine, que cette femme a mise au monde en 1797. Tous ceux qui connaissent la dame ont des doutes sur cette paternité, car Amélie ne passait pas pour un modèle de fidélité ! Mais enfin !
     
    Blaise se tut au rappel de ces moments barbares, dépossédés de leur grandeur tragique par le paisible décor du lac au clair de lune. Charlotte prit la main de l’officier.
     
    – Et qu’a-t-on fait du corps de ce vaillant soldat ? demanda-t-elle.
     
    – Savary prit un manteau, encore

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