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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Melas, voyant ses troupes partout culbutées, poursuivies, chassées du village de Marengo, contraintes de repasser en grand désordre la Bormida en abandonnant sur la rive artillerie, munitions, subsistances et blessés, ordonna la retraite.
     
    » Je ne sais si vous vous souvenez des troupes que le général Bonaparte a passées en revue sur la place du Marché, le 13 mai…
     
    – Si je m’en souviens ! C’est le jour où j’ai compris que vous me portiez quelque intérêt, dit Charlotte. J’étais sur le balcon de l’hôtel et vous avez levé les yeux vers moi. Tenez, il y avait la division du général Boudet, plus de cinq mille soldats…
     
    – Vous avez bonne mémoire. Le général Boudet a été blessé, légèrement, à Marengo, mais nombreux sont les fantassins de la 9 e  brigade d’infanterie légère, des 30 e et 59 e  brigades d’infanterie de bataille que vous avez vus ce jour-là qui n’auront plus jamais l’occasion de parader sous vos fenêtres. Parmi ceux qui sont passés à Vevey au mois de mai et qui se sont battus à Marengo, on compte encore les fantassins de la division du général Watrin dont le frère, officier d’état-major, a été tué, et aussi les brigades des généraux Monnier et Guénaud. Toutes ces unités se sont vaillamment comportées au feu. Et je dois ajouter que les soldats de trois compagnies de la 6 e  brigade d’infanterie légère m’ont dit combien ils gardent un bon souvenir des Veveysans, qui leur ont octroyé, pendant leur séjour dans votre ville, une indemnité de 75 centimes par homme et par jour pour compenser l’absence de solde !
     
    – Et dire que nous nous plaignions tous, alors, du tapage que ces jeunes gens menaient dans nos rues… surtout après boire ! Ah ! si nous avions su que bon nombre d’entre eux allaient mourir ou souffrir de blessures quelques jours plus tard, comme nous aurions été indulgents ! Comme nous les aurions accueillis !
     
    – Parmi ces hommes, il en est au moins un que vous connaissez et dont votre amie Flora doit conserver un drôle de souvenir. Mon ordonnance, le maréchal des logis Trévotte, qu’on appelle Titus…
     
    – Il est mort !
     
    – Il vivait encore il y a une semaine. Un boulet lui a fracassé le genou et les chirurgiens ont dû lui couper la jambe.
     
    – Mon Dieu, que tout cela est cruel et vain ! Car à quoi aura servi cette boucherie ?
     
    – Elle sert la paix, Charlotte. C’est le plus cher désir du Premier consul. Si les Impériaux se montrent raisonnables, l’Europe sera en paix pour longtemps et les grands principes de liberté triompheront.
     
    – Mais en attendant ?
     
    – Au lendemain de la bataille de Marengo, le général Berthier s’est rendu à Alessandria, pour prendre un arrangement avec les généraux impériaux, tandis que le Premier consul, qui ne pense désormais qu’à faire la paix, s’en retournait à Milan. Melas a été autorisé à se retirer avec les débris de son armée, dès que la suspension des hostilités fut admise.
     
    – Mon Dieu, combien de morts a faits cette bataille ? demanda Charlotte.
     
    – C’est bien difficile de le savoir exactement. Plus de sept mille, croit-on.
     
    – Quelle hécatombe ! Que de mauvaises nouvelles à annoncer aux familles, que de chagrins ! gémit Charlotte.
     
    – Nos lauriers sont toujours trempés de sang et de larmes. Si parmi les généraux autrichiens prisonniers figure le général Antoine Zach, chef d’état-major de l’armée impériale, une belle prise, avouez-le, nous avons à déplorer, comme vous savez, une perte irréparable.
     
    Blaise de Fontsalte se redressa et dit avec plus de gravité dans le ton :
     
    » Eh oui ! le général Louis-Charles-Antoine des Aix de Veygoux, dit Desaix, dit le Sultan juste depuis la campagne d’Égypte, est mort à Marengo, madame. Tous, nous le pleurons, l’armée le regrette et le Premier consul, apprenant la perte de cet ami, a dit : « Ah ! que la journée eût été belle, si ce soir j’avais pu l’embrasser sur le champ de bataille 4  ! » Notre victoire, Charlotte, a un arrière-goût bien amer à cause de cela. Desaix était, comme moi, issu d’une famille pauvre et de petite noblesse terrienne. Comme lui, j’ai été pensionnaire boursier à l’École royale militaire d’Effiat. Je puis vous dire qu’on le citait toujours en exemple aux élèves de mon temps. On pourra le citer à jamais en exemple

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