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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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attaché à la selle d’un cheval mort, et un hussard qui passait par là nous aida à envelopper le général. L’aide de camp demanda au cavalier de charger le corps sur son cheval et de le porter à Torre di Garofoli, un village proche de Tortone, où se trouvait l’ambulance de l’état-major, tandis qu’il irait lui-même prévenir le Premier consul de la perte que venait d’éprouver l’armée. Le général Bonaparte se rendit aussitôt à Garofoli. Quand les chirurgiens eurent confirmé que la balle avait touché Desaix en plein cœur et que la mort avait été instantanée, le général Bonaparte ordonna de faire transporter le corps à Milan, afin qu’il fût embaumé. Le colonel Savary, qui avait du mal à retenir ses larmes, aurait voulu conserver la chemise du mort, mais elle était tachée de sang et les mouches bourdonnaient autour de nous. Si le cœur n’avait pas été déchiqueté par le projectile, Savary l’eût fait brûler, mais, étant donné la chaleur et la menace de putréfaction, on se contenta de couper les cheveux du général avant de le placer dans un cercueil.
     
    – C’est horrible, ce que vous dites là, fit Charlotte.
     
    Blaise négligea le commentaire et reprit :
     
    – C’est un détachement du 12 e  chasseurs qui escorta jusqu’à Milan cet Auvergnat, presque un pays, qui me donna le baptême du feu. Il n’avait peur de rien et allait au vent des boulets comme un bourgeois qui sort après dîner prendre le frais dans son jardin. On eût dit que sa témérité le protégeait.
     
    » Il avait eu la joue percée d’une balle à Lauterbourg, le talon brisé par le boulet qui avait tué son cheval à Bertsheim, la cuisse ouverte par un éclat à Diersheim. Trois autres chevaux étaient morts sous lui, sans qu’il en ressentît plus d’émotion que celle, sincère mais brève, du cavalier qui perd sa monture. En Égypte, il avait fait merveille. Nous avions battu Mourad Bey à Samanhout, en janvier 1799, avant d’en faire un allié, et tous les savants de la mission scientifique emmenée par Bonaparte étaient devenus les amis de Desaix quand il avait pris le gouvernement de la Haute-Égypte.
     
    » Son aide de camp m’a rapporté que, le matin même de sa mort, le général avait, pour la première fois, montré quelque inquiétude. « Voilà longtemps que je ne me bats plus en Europe. Les boulets ne nous connaissent plus ; il nous arrivera quelque chose », avait-il dit. Tout le monde avait pris cela pour une boutade. C’était un pressentiment !
     
    – Et il est rentré d’Orient pour courir au-devant de la mort. À quelques heures près, il serait arrivé après la bataille, après la victoire, dit Charlotte, naïve.
     
    – Sans lui, la victoire nous eût sans doute échappé. Maintenant, il a été confié, pour une sépulture provisoire, aux moines du couvent de San Angelo. Mais Bonaparte a souhaité que le corps du général fût inhumé dans la chapelle des chanoines, au Grand-Saint-Bernard, peut-être parce que Desaix a péri la veille de la fête de saint Bernard de Menthon, patron de l’hospice, qui est fixée au 15 juin. J’ai été chargé d’obtenir l’accord des chanoines. Ils ont accepté de recevoir le cercueil de Desaix et d’en être à jamais les gardiens. Le Premier consul a déjà commandé un monument au sculpteur Jean-Guillaume Moitte et rédigé lui-même l’inscription qu’on devra y graver : « Le tombeau de Desaix aura les Alpes pour piédestal et pour gardiens les moines du Saint-Bernard 5 . »
     
    – Un jour, j’irai lui porter des roses, car maintenant c’est comme si je l’avais connu, dit Charlotte, obligeant Blaise à s’allonger près d’elle.
     
    Elle se lova dans les bras de l’officier et, pour conjurer la soudaine tristesse de son amant, reprit l’inventaire de ses cicatrices. Elle posa le doigt sur une balafre très ancienne qui barrait le biceps de Fontsalte comme une brisque.
     
    – Quel souvenir est attaché à cette entaille ?
     
    – Celui d’un coup de couteau. Rien de glorieux, croyez-moi.
     
    – Un mari jaloux ?
     
    – Même pas, Charlotte, un gitan qui croyait que j’avais déshonoré sa sœur !
     
    – Moi, je n’ai pas de frère !
     
    – Mais vous avez un mari, dit Blaise doucement.
     
    – Faites, s’il vous plaît, comme si je n’en avais pas, murmura-t-elle en tirant la moustache de Blaise.
     
    Il fit ce qu’elle souhaitait et ils

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