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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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. La
bande dessinée n’est pas son rayon : elle lui paraît plus
anodine, plus insignifiante encore qu’un article sportif. Il
n’empêche qu’un rapport d’expertise est demandé au Service central de documentation.
    Le 12 novembre 1945, sans doute à la demande de William Ugeux, Vinçotte écrit à nouveau à l’auditeur général :
L’information ouverte à charge de Hergé n’a donné lieu à
aucun élément nouveau depuis le 11 septembre 1944.
L’expertise en cette cause n’a fourni aucun élément le concernant […]. D’autre part, aucune autre activité, telle que caricatures à caractère de propagande, appartenance à un mouvement proallemand ou même manifestation de sentiments
favorables à l’Ordre nouveau, n’est venue au jour.
    Il réfute, cette fois en termes très concrets, l’idée que le
succès des Aventures de Tintin aurait contribué à faire
acheter Le Soir « volé » :
Chacun sait […] que, fort rapidement, le tirage des journaux
a été limité par la Propanganda et qu’il n’y avait pas
d’invendus. Le chiffre de vente du journal était déterminé non
par le succès du journal mais par le contingent de papier fixé
par l’Allemagne. Dès lors, le raisonnement opposé, tout aussi
théorique et tout aussi irréfutable, pourrait être fait : « en
occupant de la place dans les colonnes du journal, en y dessinant pour les enfants ou en y parlant d’art, de mode ou de
sport, j’ai diminué l’espace réservé à la propagande en faveur
de l’ennemi, et j’ai accompli une action patriotique » 22 .
    Hergé n’eut jamais connaissance de ces documents, qui
l’auraient fort probablement soulagé. Mais, dès la fin du
mois de décembre 1945, il apprend une première bonne
nouvelle : son dossier judiciaire est classé sans suite. Cela
ne suffit pas : bien d’autres démarches seront nécessaires
avant d’obtenir l’indispensable certificat de civisme.
    En attendant, les rendez-vous se succèdent avec Raymond Leblanc, tantôt avenue Delleur, tantôt dans les
petits bureaux que l’éditeur a loués, au 55 de la rue du
Lombard. Les échanges sont de plus en plus cordiaux et,
en mars 1946, Hergé et Leblanc signent un contrat qui lesengage pour cinq ans. Deux mois plus tard, le fameux certificat est enfin délivré.
    La page n’est pas encore tournée. Le lundi 3 juin 1946
commence le procès du Soir « volé ». Hergé ne figure pas au
banc des accusés, mais il tient à être présent tant il compte
d’amis parmi les inculpés. Curieusement, il connaît aussi le
président du tribunal, M. de La Vallée Poussin : après le
départ de l’abbé Wallez, cet homme a été – lui aussi – l’un
des directeurs du Vingtième Siècle . S’il pensait n’être là qu’en
spectateur, Hergé s’est trompé. Dès le premier jour du
procès, son nom est cité par l’avocat de son ami Julien De
Proft, s’étonnant qu’on ne poursuive pas l’auteur de Tintin ,
alors qu’il a contribué au succès du Soir « volé ». Trois jours
plus tard, l’éditorialiste du véritable journal Le Soir s’indigne que Hergé n’ait pas été appelé à comparaître : « La
collaboration des “emballeurs” doit être poursuivie comme
complicité 23 . » Et, de fait, tous n’ont pas autant de chance
que l’auteur du Secret de la Licorne . Un de ses proches,
Marcel Dehaye, qui a exercé les fonctions de « rédacteur
artistique » du Soir « volé » de juillet 1943 jusqu’à la Libération, va être déchu à perpétuité de ses droits civils et
politiques 24 . Comme on lui fait remarquer l’apolitisme des
billets qu’il signait « Jean de la Lune », le procureur déclare :
« C’est amusant, certes, mais c’est le papier d’argent entourant la praline empoisonnée. » L’argument aurait facilement pu être utilisé contre Hergé.
    S’il peut paraître clément par rapport à celui de ses collègues journalistes, le sort d’Hergé est d’une grande dureté
par rapport à la situation de certains dessinateurs français qui
s’étaient aventurés beaucoup plus loin que lui dans la voie de
la collaboration. Dans Le Petit Nazi illustré , Pascal Ory aminutieusement décrit le contenu de la revue Le Téméraire ,
publiée de janvier 1943 à juillet 1944. Malgré la violence de
la propagande antisémite et proallemande que contenaient
leurs bandes dessinées, les auteurs qui y travaillaient –
Liquois, Poïvet, Le

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