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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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Belgique
désigne les collaborateurs. Le pire, ce sont les dénonciations
arbitraires et les vengeances personnelles, aussi nombreuses
que sous l’Occupation. C’est du reste parce qu’il craint les
débordements de haine que l’auditeur général Walter
Ganshof van der Meersch, « l’architecte et le coordinateur
de la politique de répression », a tenu à confier l’Épuration
officielle aux seuls tribunaux militaires 14 .
    Pendant ces mois où la plupart des Belges goûtent aux
joies de la liberté retrouvée, les mauvaises nouvelles
s’accumulent pour Hergé. À la fin de l’année 1944, après
avoir entendu à la radio l’annonce de la mort du lieutenant Remi, sa mère, persuadée qu’il s’agit de son fils Paul,
est prise d’une violente crise de nerfs. L’information est
rapidement démentie, mais Élizabeth Remi ne se remet
pas. Un jour, elle se persuade que Paul est revenu de captivité, mais que Jeannot, sa femme, le séquestre. Elle vient
tambouriner à la porte de la maison, tandis que Jeannot
et la petite Denise restent serrées l’une contre l’autre dans
une chambre, terrorisées 15 .
    Élizabeth est victime d’une nouvelle attaque le 21 avril
1945. Les ennuis de Georges n’y sont de toute évidence
pas étrangers : c’est comme si elle était en train de perdre
ses deux fils. Hospitalisée d’abord à la clinique psychiatrique Titeca, elle est soumise à des électrochocs, puis elle
est internée à l’Institut Saint-Camille, à Corbeek-Loo,
entre Bruxelles et Louvain. Les médecins affirment qu’elle
devrait se remettre.
    Paul, le fils adoré, revient enfin en Belgique le 5 juin,
après avoir passé cinq ans derrière les barbelés d’un Oflag ;
« j’ai raté ma guerre », répétera souvent celui qui a multiplié les tentatives d’évasion. Malgré des retrouvailles que
l’on imagine difficiles, Georges et Paul vont voir leur mère
dès le lendemain, espérant que ce retour hâtera sa guérison. « Hélas ! Cela n’a rien donné », écrit Hergé à
Charles Lesne. « Elle a reconnu mon frère, mais immédiatement après, elle a recommencé ses divagations. Il ne
nous reste plus qu’à nous armer de patience 16 . » Sujette à
des crises violentes, Élizabeth arrache les cornettes desreligieuses. Et bientôt, elle sombre dans un complet
délire.
     
    Durant cette période à tous égards désastreuse va survenir une rencontre décisive pour l’avenir d’Hergé et de
ses personnages. Le 10 septembre 1945, Pierre Ugeux – le
frère de l’ancien directeur du Vingtième Siècle –  écrit à
l’auteur des Aventures de Tintin . Il évoque « un ami qui
voudrait reprendre la formule du Petit Vingtième tout en
la modernisant » et sollicite un rendez-vous. Quelques
semaines plus tard, il arrive chez Hergé avec trois jeunes
gens, André Sinave, Albert Debaty et Raymond Leblanc.
    Né en 1915, sous-lieutenant dans les chasseurs ardennais, ce dernier a eu la chance d’être en surnombre parmi
les prisonniers faits par les Allemands. Comme pas mal
d’autres, il a donc été renvoyé chez lui. Devenu officier
des douanes, il s’est engagé dans le Mouvement national
royaliste, une organisation résistante opposée aux communistes. Auteur de plusieurs faits d’armes, décoré de la
Croix de guerre, Leblanc est en contact depuis plusieurs
années avec des personnalités importantes de la Belgique
à Londres. C’est un an avant de venir trouver Hergé, au
lendemain de la Libération, qu’il s’est lancé dans l’édition.
Associé à deux amis, André Sinave, ancien résistant
comme lui, et Albert Debaty, dont le parcours sous
l’Occupation fut nettement moins héroïque, Raymond
Leblanc n’a eu aucun mal à fonder une petite maison
d’édition, opportunément appelée Yes et spécialisée dans
la littérature sentimentale et le cinéma. Comme il
l’expliqua plus tard :
Le fait d’être éditeur, à l’époque, était déjà une étape importante car, à la Libération, l’essentiel était d’avoir une autorisation de paraître parce que c’était la seule façon d’obtenir dupapier. Posséder ce papier était la clé du succès car, en 1944,
on pouvait imprimer n’importe quoi, cela se vendait ! Les
gens avaient un tel besoin d’information et de défoulement
que l’édition devenait un métier extrêmement rentable 17 .
    Encore fallait-il une mise de fonds initiale. Mais, avec
son dynamisme à toute épreuve, Leblanc s’était

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