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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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Aramis, j’étais plus réservé 29 .
    La question de savoir s’il a lu ou non Jules Verne reste
controversée. À de nombreuses reprises, Hergé déclara ne
pas s’être aventuré au-delà de Vingt Mille Lieues sous les
mers  : à la fois trop didactique et trop peu crédible à son
goût, le livre lui serait tombé des mains. Mon sentiment
est qu’il n’y a pas lieu, ici, de mettre en doute ce que dit
Hergé. Les coïncidences observées entre les romans verniens et quelques Aventures de Tintin relèveraient plutôt
de ses collaborateurs occasionnels, et notamment de
l’infatigable lecteur qu’était Jacques Van Melkebeke 30 .
D’autres références littéraires fréquemment citées pourraient
elles aussi correspondre à un savoir de seconde main. En
réponse à une question posée par Numa Sadoul, puis par
François Rivière, Hergé évoqua ainsi La Fiancée du Soleil de
Gaston Leroux de manière assez floue. Il ne me semble pas
évident qu’il l’ait réellement lu. Ne serait-ce pas plutôt
Jacques Van Melkebeke qui lui en aurait parlé à l’époque où
ils discutaient ensemble des  7 boules de cristal et du Temple du
Soleil  ? De la même façon, à en croire Huibrecht Van Opstal,
Hergé aurait toujours dissimulé l’influence des romans de
Paul d’Ivoi. Les Cinq Sous de Lavarède et Cigale en Chine surtout, alors que ceux-ci auraient laissé des traces importantes
dans son œuvre. Là aussi, il est frappant de voir que Van Melkebeke évoque explicitement Paul d’Ivoi dans ses propressouvenirs de jeunesse, alors qu’Hergé n’y fit jamais la
moindre allusion. À ma connaissance, aucun élément ne
conduit à supposer que le dessinateur ait délibérément
masqué ses sources. Sur ses collaborateurs scénaristiques, et
particulièrement sur Van Melkebeke, il se montra en
revanche on ne peut plus discret, pour des raisons qui seront
évoquées le moment venu.
    Ce qui est certain, c’est qu’une forme d’inculture, et
plus encore d’étroitesse d’esprit, participe de cette
« grisaille » que Hergé associait à son enfance et à son
milieu familial. « Il n’y avait jamais une étincelle. Pas de
livres, pas d’échanges d’idées, rien 31 . » Sur le plan affectif,
les choses lui semblaient tout aussi pauvres. Certes, ses
parents étaient « très bons », et l’entouraient de « beaucoup d’affection », mais il y avait « peu de contact 32  ». Ni
Alexis Remi ni sa femme n’étaient du reste très expansifs.
« Ils étaient du genre laconique 33 . » Et Georges lui-même
ne manifestait que rarement ce qu’il pouvait ressentir. S’il
aimait ses parents, peut-être aurait-il dû « le leur montrer
un peu davantage ». La fragilité d’Élizabeth Remi, les
crises dépressives que l’on entrevoit, devaient laisser à
Georges un sentiment de frustration d’autant plus fort
qu’il n’en était jamais question.
    C’est dans sa dernière interview, en raison de mon
insistance, que Hergé évoqua sa mère de la manière la plus
directe. Mais ce fut pour reconnaître un rendez-vous
manqué :
Je me faisais encore la réflexion, il n’y a pas longtemps, que
je l’ai en fait très peu connue. […] J’ai l’impression que je
suis passé à côté d’elle sans chercher à la connaître. Je suis certain qu’elle m’aimait. Et je l’aimais aussi bien sûr… Mais,
vous savez, dans beaucoup de familles, on vit ensemble sans
avoir de véritables contacts. On s’aime bien, oui, mais on n’a
pas grand-chose à se dire. […] Elle est morte sans que nous
ayons eu de véritables contacts 34 .
    Hergé assurait que son enfance avait été « exempte de
grands malheurs 35  ». Mais il insista si fréquemment, et
jusqu’à la veille de sa mort, sur son caractère morne et
gris – et le peu de souvenirs qui lui en restaient – qu’il
est difficile de ne pas s’interroger. Certes, les éléments
objectifs ne manquent pas : la guerre avec son cortège
d’angoisses et de privations, une relative pauvreté et les
humiliations sociales qui en découlent ont indéniablement pesé sur ses premières années. Mais, selon certaines sources familiales, il se pourrait aussi qu’un traumatisme précis ait marqué sa jeunesse. Dans la maison
de la rue de Theux, vivaient non seulement ses parents,
son frère et sa grand-mère maternelle, mais aussi certains
oncles et tantes. Il semblerait que le jeune Georges ait
été victime d’abus sexuels de la part du plus jeune

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