Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
Vom Netzwerk:
de vacances qui viennent de s’écouler ?
    Mais, pour Hergé, de tels arguments ne tiennent pas.
Ce n’est pas de cette façon, en amateur, qu’il compte se
mettre à la peinture. Il a besoin d’être chez lui et de disposer de tout le temps nécessaire. Et puis, il n’est pas question de petits croquis à l’encre de Chine. Ce qu’il veut,
c’est se confronter véritablement à la couleur.
Et je sais ce qui m’attend dans ce domaine : un travail
acharné, des échecs, des découragements. Cela ne me fait pas
peur. Je sais, tu m’entends, que je vaux mieux que ce que je
fais actuellement. Et ce mieux, je le ferai un jour. Pas maintenant, tu as raison, je ne peux pas tout laisser tomber.
Je me suis remis au travail, d’ailleurs, et il est fort possible,
c’est même probable, que, comme tu le dis, je me laisserai
prendre au jeu. Au jeu ! Car ce n’est plus qu’un jeu, un jeu
très difficile, mais un jeu quand même. Cela ne me tient plus
aux tripes, tu comprends 20  ?
    Quant à Germaine, la voici assaillie par d’autres préoccupations. Tandis que Hergé canote sur le lac Léman,
Norbert Wallez est au plus mal. Il a été hospitalisé
d’urgence, dans un état lamentable. Mal soigné en prison,
son cas s’est aggravé très rapidement. La fidèle Germaine
s’est précipitée à son chevet. L’abbé n’a pas changé. Malgré
son état, il parle toujours de politique et veut connaître les
derniers potins. Ces nouvelles réveillent toute la rage
d’Hergé par rapport à l’Épuration.
Les bandits ! Ils ont donc réussi à mettre l’abbé sur le flanc,
j’entends physiquement, au moins. Car je ne doute pas un
instant de son moral. Ah ! Quand donc finiront toutes ces
ignominies ? Quel écœurement ! Que de lâchetés et de
bêtise, cette bêtise au front de taureau 21  !
    À cause de l’éloignement sans doute, et de la crise qu’ils
viennent de traverser, bien des choses enfouies vont sortir
au grand jour, pendant cet été 1948. C’est comme si
Hergé parvenait enfin à se libérer d’un des non-dits qui
pèsent sur leur couple depuis l’origine. Pour la première
fois, il parvient à dire à Germaine combien il lui est difficile de vivre l’admiration illimitée qu’elle voue à son
ancien patron.
Je sais tout ce qu’il représente pour toi. Je sais que, s’il venait
à disparaître, ce serait ton dernier appui qui viendrait à manquer. Je sais que sa force, sa sérénité et sa gentillesse, plus : satendresse compréhensive pour toi, te rassurent et t’apaisent.
Quoi qu’il puisse t’arriver, tu es sûre de trouver en lui un
refuge, un appui, un apaisement, je sais tout cela, Germaine.
Je sais aussi que, tout cela, cet apaisement, cet appui, cette
force, je ne puis pas te les apporter. Trop jeune. Tu étais plus
mûre que moi, au départ. Tous les efforts que j’ai faits n’ont
pas réussi à te distancer. Et il aurait fallu que je te distance, il
aurait fallu que je mûrisse de dix ans pour toi en une seule
année, afin de pouvoir te donner cette sensation de sécurité
auprès de moi, que tu n’as pas trouvée et que tu ne trouveras
jamais 22 .
    Dans cette longue lettre, Hergé avoue à sa femme qu’il
a toujours essayé de se maintenir, « péniblement », à sa
hauteur. Comme s’il était resté le « jeune ami » de leurs
premières rencontres. « Mon apprentissage d’homme, je
l’ai fait avec toi, maladroitement bien sûr, c’était inévitable. Toi, ton apprentissage était terminé. » Quant à
Wallez, oui, il l’aime et l’admire. Mais il en est aussi
affreusement jaloux, non d’une jalousie d’amant, mais
d’une « jalousie d’homme ». Comme si, arrivé trop tard,
Hergé était condamné à être pour Germaine un éternel
second.
Encore maintenant, lorsque je le vois parfois poser un acte
ou dire un mot qui m’étonne, venant de lui, qui me déçoit
parfois, ou qui le diminue tant soit peu, eh bien, je te l’avoue,
c’est presque une petite revanche. Oui, secrètement, je m’en
réjouis. […]
    Je sais, maintenant, je suis sûr qu’il t’a aimée. Et que tu l’as
aimé aussi. D’un amour très beau, et très pur, et très noble.
C’est ici seulement que je l’ai clairement compris. Et je n’ai
d’ailleurs aucun reproche à te faire, bien sûr. Seulement, ça a
été, et, lui ayant vingt-cinq ans de plus que toi, je répète qu’ilétait inévitable que je te donne l’impression de ne pas
m’occuper de toi ni de

Weitere Kostenlose Bücher