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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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m’intéresser à toi.
    Hergé a enfin l’impression d’être libéré de ce poids,
d’être devenu un autre homme, différent de celui qu’elle a
connu jusque-là et de celui qu’elle a laissé, lors de son
départ précipité de Genève. Il voudrait effacer les semaines
horribles qu’ils ont vécues, et tout reprendre sur une base
neuve. « Ne parle plus de faillite, ni d’écroulement, je t’en
prie. Rien n’est cassé, rien n’est perdu, rien, absolument
rien n’est compromis. Je dirais même, au contraire. »
    Dans ses lettres à Marcel, il continue pourtant de
s’interroger sur lui-même, sur sa volonté de « faire l’ange »
et les tensions qu’elle a générées :
Je me suis demandé ce que je faisais là-haut, à vouloir sans
cesse dominer ma nature. Je parle de ma nature… […]
    Le meilleur, qui existe en moi et qui m’est, lui aussi, naturel,
est sans cesse contrebattu par le pire, qui ne m’est pas moins
naturel.
    Et pourquoi, au nom de quoi, refuser toujours à la bête ce
qu’elle demande, ce qu’elle exige impérieusement ? Elle finit
par se rebeller la bête, et elle a raison 23 .
    Le docteur Riklin – le psychanalyste jungien que Hergé
consultera dix ans plus tard – ne lui dira pas autre chose.
Mais le contexte sera différent, et pourra conduire à un
vrai changement de vie.
    Dans l’immédiat, après avoir reçu la visite de Guy Dessicy et de sa femme Léona, Hergé rentre à Bruxelles aux
environs du 23 juillet. Contrairement à ce qu’il affirmait,
les choses sont loin d’être réglées. Après quelques jours,
un drame éclate à nouveau. Hergé avoue une autre
liaison, plus exaltée encore que celle avec Rosane. Sansdoute a-t-elle débuté à la fin du séjour en Suisse. C’est une
femme d’une trentaine d’années, une cousine de Jacques
Laudy semble-t-il ; on la dit d’une grande beauté. Selon
les notes quotidiennes que prend Germaine dans un
minuscule carnet, Hergé est plus épris que jamais :
Tu m’as dit : j’aime une autre femme, complètement, entièrement, follement…
    Et moi, ta petite fille ?
    Oh, Georges, c’est atroce, je comprends.
    Non… je souffre… je souffre à en mourir 24 …
     
    Tu souffres, Georges, et pour une autre. Et moi qui, seize ans
durant, n’ai vécu que pour toi… que pour nous 25 …
    Complètement déboussolé, Hergé part en Ardenne faire
le point avec son ami Édouard Cnaepelinckx. Ce dernier
conseille la séparation : selon lui, Germaine joue un rôle de
mère plutôt que d’épouse, et Georges est en train de
s’étioler auprès d’elle. Dans son carnet, Germaine se récrie :
« S’étioler avec moi ! Avec moi qui suis la vie même ! »
Parmi leurs proches, la plupart veulent protéger le couple.
Hergé reçoit plusieurs lettres lui vantant les qualités de Germaine et cherchant à le convaincre que, l’épreuve passée, ce
sont « des années de bonheur intime dont on trouverait difficilement l’équivalent » qui les attendent.
    Persuadé que le temps est le seul remède, Hergé ne veut
prendre aucune décision :
J’attends la guérison ou l’événement qui me prendra par la
main et me montrera clairement la route à suivre : je suis disponible, je suis de bonne volonté. […]
    Il y a en moi des forces contradictoires, plus puissantes que
je ne l’imaginais, qui fermentent, et qui bouillonnent, et quime laissent pantelant. Il y a en moi une soif de vivre, de vivre
intensément, de découvrir le monde, les êtres, les corps, tout,
tout, et j’ai peur, oui, j’ai peur, de laisser passer l’occasion, de
laisser passer le temps. […]
    Je sens en moi un besoin de renouvellement – mais sans
doute sont-ce mes glandes et mes hormones qui me jouent
ce tour –, un besoin de tout casser derrière moi, de couper
les ponts et de repartir à zéro, et de vivre, de vivre 26  !
    Hergé a peur de lui : peur de cette exaltation qui pourrait le conduire à tout quitter, mais plus peur encore de
cette sagesse qui pourrait le faire renoncer, peur, si tout
rentre dans l’ordre, de regretter ce qu’il n’a pas vécu,
« peur d’être résigné à ne pas vivre » et de traîner derrière
lui « de longs et interminables regrets, une mélancolie
sans fin, une résignation sans force ».
    Quant à Germaine, elle a l’impression que les choses ne
font qu’empirer. Avec elle, Georges se montre toujours
aussi dur, aussi « poliment distant ». De plus en plus
désemparée, elle

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