Herge fils de Tintin

de toute évidence qu’une partie du « scénario » rédigé avec Jacques Van Melkebeke. Mais il s’agit de la seule trace
retrouvée à ce jour. La chronologie de la collaboration entre
Heuvelmans et Van Melkebeke est délicate à établir. Le plus plausible
est que les deux hommes ont travaillé au scénario de l’aventure lunaire
pendant l’automne 1947, avant que « Bib » Heuvelmans ne vienne en
aide à Hergé pour finir Le Temple du Soleil .
    2  Lettre de Marcel Dehaye à Hergé, 17 juin 1948.
    3  Lettre de Germaine Kieckens à Hergé, 6 juillet 1948.
    4  Lettre d’Hergé à Germaine Kieckens, 8 juillet 1948.
    5  Lettre d’Hergé à Marcel Dehaye, 12 juillet 1948.
    6  Lettre d’Hergé à Germaine Kieckens, 17 juillet 1948.
    7  Un « relevé des sommes perçues à titre de collaboration à un
scénario » nous apprend que Bernard Heuvelmans a touché 5000 francs
le 18 septembre 1947, 18 000 francs le 18 décembre de la même année,
puis 2000 francs le 25 mars 1948. Dans son récit plus tardif de ses
relations avec Hergé, Heuvelmans va jusqu’à dire que c’est grâce « aux
somptueux honoraires payés par Hergé » qu’il a pu s’installer à Paris,
fin 1947. Les montants perçus par Jacques Van Melkebeke durant la
même période furent plus importants encore, mais il est difficile de
savoir la part qui incombe aux travaux scénaristiques.
    8  Lettre d’Hergé à Bernard Heuvelmans, 19 avril 1962. C’est Hergé
qui souligne.
    9  Lettre d’Hergé à Bernard Heuvelmans, 29 novembre 1949.
    10  Témoignage de Bernard Heuvelmans à l’auteur, 1988. Michel
Greg, qui travailla plus tard à d’autres scénarios, notamment pour les
dessins animés inspirés des Aventures de Tintin , souligna lui aussi
l’usage du bruxellois comme indice de satisfaction d’Hergé.
    11  Philippe Messelier, « Il a décroché la Lune », entretien avec Albert
Weinberg paru dans Le Matin , Lausanne, 3 mars 1993.
    12  Albert Weinberg, notes envoyées à Hergé en avril 1950.
    13  Lettre d’Hergé à Alexandre Ananoff, 18 avril 1950.
    14  Lettre d’Alexandre Ananoff à Hergé, 3 mai 1950.

 
    7
     
    Un trou noir
     
    Pour la Belgique comme pour Hergé, l’après-guerre ne
commence réellement qu’en 1950.
    Depuis 1944, le pays est divisé par la question royale.
Léopold III est en Suisse avec ses enfants et la princesse
Lilian de Réthy. Son frère, le prince Charles, qui ne s’est
pas compromis pendant l’Occupation, assure la régence.
Le 12 mars 1950, au moment où la publication d’ On a
marché sur la Lune commence dans Tintin , une consultation populaire se prépare. On demande aux électeurs de
répondre par « oui » ou par « non » à la question : « Êtes-vous d’avis que le roi Léopold reprenne l’exercice de ses
pouvoirs constitutionnels ? » Il n’est pas difficile d’imaginer la réponse d’Hergé. La campagne est passionnée ; à
nouveau, les Belges se déchirent. Les résultats de la
consultation déçoivent Léopold III. Certes, il obtient
57,68 % de votes favorables. Mais si le « oui » dispose
d’une écrasante majorité en Flandre, il est minoritaire à
Bruxelles et surtout en Wallonie, ce qui provoque une
longue crise ministérielle. Le 22 juillet, le roi foule à nouveau le sol belge, pour la première fois depuis la fin de la
guerre. Immédiatement, une grève insurrectionnelle estdéclenchée en Wallonie et bientôt quatre manifestants
trouvent la mort à Grâce-Berleur. Une marche sur
Bruxelles doit avoir lieu le 1 er août. Pour éviter un bain de
sang, Léopold III accepte d’abdiquer en faveur de son fils
Baudouin, qui, d’une voix blanche, prête serment dix
jours plus tard.
    Pendant ce temps, l’auteur des Aventures de Tintin , qui
va bientôt avoir quarante-trois ans, crée la société anonyme Studios Hergé. Elle voit le jour officiellement le
6 avril 1950. D’un point de vue concret, le changement
n’est pas spectaculaire, car les Studios sont domiciliés
avenue Delleur, dans la maison que Hergé occupe depuis
plus de dix ans. Mais c’est une claire façon d’entériner le
fait que, désormais, il ne peut plus travailler seul. Depuis
le départ de Jacobs, Guy Dessicy, et plus épisodiquement
Franz Jagueneau et la coloriste Monique Laurent secondent Hergé de leur mieux. Oubliant les mauvais jours,
Germaine restera toujours nostalgique de cette atmosphère du petit studio de