Herge fils de Tintin
c’est une sorte de
garantie. Baudouin van den Branden recommande de
l’engager. Née le 1 er août 1934, Fanny Vlamynck est donc
âgée de vingt ans lorsqu’on l’engage aux Studios. Elle a lu
l’annonce un peu par hasard, alors que ses projets de
vacances en Italie venaient de tomber à l’eau, l’amie avec
laquelle elle devait partir ayant raté ses examens.
En venant se présenter dans les bureaux du 194, avenue
Louise, Fanny Vlamynck s’imaginait Hergé comme un
monsieur imposant et âgé, probablement barbu.
Et je suis tombée sur quelqu’un qui était presque un jeune
homme, très décontracté, les manches relevées sur les bras.
Et pourtant un peu impressionnant. En fait, nous les coloristes, on le voyait assez peu. Et, quand on le voyait, il apparaissait comme quelqu’un de très séduisant, très gentil, mais
un petit peu distant. L’impression qu’il donnait, c’est qu’il
surveillait les choses avec humour et bienveillance, mais toujours une forme de recul. En tout cas, c’est comme ça que je
l’ai perçu les premiers temps 1 .
Une autre candidate méritait d’être recrutée : France
Ferrari. Et comme Fanny travaille assez lentement et que
le travail ne manque pas, elle rejoint l’équipe au début du
mois de novembre 1955. Josette Baujot supervise le travail des deux jeunes femmes, les initiant aux subtilités de
la mise en couleur hergéenne.
Désireuse de se perfectionner, Fanny suit des cours du
soir à l’Académie de Saint-Josse, ce qui l’amène à rester
aux Studios un peu plus tard que les autres. C’est l’occasion des premières vraies conversations avec Hergé, dont
elle n’a pas caché à France Ferrari qu’il lui plaît beaucoup. L’histoire de Georges et de Fanny commence à la
veille du « pont » de la Toussaint 1956, lorsqu’ils
s’avouent que ces quelques jours l’un sans l’autre vont
leur sembler bien longs. Comme Hergé le raconta à
Numa Sadoul : « C’était comme un petit miracle ! Je ne
la rencontrais pas plus souvent que n’importe quel autre
membre des Studios. Mais à la longue, je l’ai vue travailler, je l’ai vue vivre, je l’ai entendue… je ne sais pas
comment cela s’est fait, mais cela s’est fait tout seul, peu
à peu 2 . »
Au début, seuls France Ferrari et Baudouin van den
Branden sont au courant de cette liaison. Le baron commence par s’amuser de la situation : il n’est pas mécontent
de voir son patron et ami perdre un peu de son intransigeance. Mais le reste de l’équipe est bientôt prévenu, par
Jacques Martin prétendent certains. L’ambiance des Studios ne tarde pas à s’en ressentir. Certains employés se
méfient de Fanny ; d’autres ne se gênent pas pour marquer leur agacement. Restée un soir pour bavarder avec
Hergé, Josette Baujot lui déclare tout de go : « Croyez-vous que cette petite s’intéresserait tellement à vous si
vous étiez receveur de tram ? » À quoi Hergé répond, assez
sèchement, qu’il n’est pas receveur de tram. Josette n’abordera plus jamais le sujet 3 .
Baudouin van den Branden et sa femme Jacqueline
essaient de mettre fin à cette idylle, effrayés par la tournure qu’elle prend. Quand il se rend compte qu’il ne s’agit
pas d’une simple amourette, le baron prend Fanny à part
pour la sermonner. En désespoir de cause, il introduit
même dans la place son jeune et séduisant neveu, espérant
que la jeune femme va succomber à son charme. Mais la
manœuvre échoue et conduit à un rafraîchissement
momentané des relations entre Baudouin et Hergé.
Vis-à-vis de Germaine, Hergé ne sait pas où il en est.
L’idéal un peu hautain de perfection morale qu’il s’est fixé
dans sa jeunesse est rudement mis à mal par ce qui lui
arrive. Il sait qu’il va blesser et ne parvient pas à s’y
résoudre.
Germaine, pourtant, se doute de quelque chose. Dans
un petit carnet, elle note que l’année 1957 débute demanière plutôt sinistre. Elle se sent terriblement déprimée
et fatiguée, trouvant que « rien n’a jamais été plus mal
depuis l’histoire de Georges en 1948, en Suisse ». Tout ce
qu’elle croyait vrai est en train de s’écrouler. À la fois pour
se distraire et pour tenter d’effacer les séquelles de son accident, elle a commencé des leçons de danse de salon. Peu à
peu, ces moments prennent « une importance folle » dans
sa vie. C’est qu’elle y a rencontré un homme qui lui fait une
cour gentille et
Weitere Kostenlose Bücher