Herge fils de Tintin

vaincre ses réticences.
Barret veut écrire un scénario original qui se tournerait au
Japon ; le dessinateur penche plutôt pour une adaptation
d’un album existant : il propose Les 7 Boules de cristal qui
lui semble être « le plus cinématographique des albums
Tintin ». Barret approche de jeunes réalisateurs de talent,
à commencer par Alain Resnais dont c’eût été le premier
long métrage : grand fanatique de bande dessinée, il rêvait
de tourner L’Île noire entièrement en studio ; malheureusement, le projet fut jugé trop coûteux. Philippe de Broca,
également pressenti, finit par se désister, un film d’aventures sans le moindre personnage féminin ne l’amusant
pas beaucoup.
    Après de multiples allers-retours, le scénario du Mystère
de la toison d’or est mis au point : Remo Forlani en est le
principal auteur, mais Hergé y a largement apporté son
concours, annotant de manière minutieuse les différentes
versions du script. L’histoire, qui se déroule finalement àIstanbul, est assez proche de l’esprit des albums. Mais le
plus difficile reste à faire : trouver un jeune homme crédible pour incarner Tintin. Une large publicité est donnée
au casting : André Barret rencontre des centaines de candidats, mais aucun ne le convainc. C’est finalement
Chantal Rivière, la fille de Ginette Van Melkebeke, qui
découvre Jean-Pierre Talbot sur la plage d’Ostende 7 .
    Bien qu’honorables, ni Le Mystère de la toison d’or , ni
surtout Tintin et les oranges bleues , réalisé trois ans plus
tard, ne vont parvenir à retrouver la magie des albums
d’Hergé. Peu de temps après, avec L’Homme de Rio , Philippe de Broca réalisera une quasi-adaptation de L’Oreille
cassée qui, grâce à son rythme et à la présence de Belmondo, atteindra ce que les transpositions littérales ont
manqué 8 .
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    1  Hugues Dayez, Le Duel Tintin-Spirou , Luc Pire, 1997, p. 78.
    2  Agenda de Marcel Dehaye, 1958.
    3   Paris-Match , 20 septembre 1958.
    4  Marguerite Duras, « L’Internationale Tintin », France-Observateur , n o 373, 4 juillet 1957.
    5  Pol Vandromme, Le Monde de Tintin , Gallimard, 1959, p. 22.
    6  Roger Nimier, « Tintin fait son entrée dans la littérature » ; refusé
comme préface, le texte parut à l’époque sous forme d’article ; il fut
repris beaucoup plus tard dans le recueil de Nimier, Les écrivains sont-ils bêtes ? (Rivages, 1990), puis, en 1994, dans la réédition du Monde
de Tintin .
    7  Après sa rupture avec Jacques Van Melkebeke, Hergé devait se
sentir en dette à l’égard de son ancien ami : c’est sur son conseil
qu’André Barret engagea Chantal « Rivière » (le nom Van Melkebeke
peut se traduire par « rivière de lait »). Le service n’était pas
désintéressé, car, suivant un système que l’auteur des Aventures de
Tintin affectionnait, il disposait ainsi d’une source permanente
d’informations pendant la préparation et le tournage du Mystère de la
toison d’or . Peu de temps plus tard, la jeune femme épousa un
universitaire japonais, M. Hasumi ; installée à Tokyo avec son mari,
elle garda des liens suivis avec Edgar P. Jacobs, lui fournissant de la
documentation pour Les Trois Formules du professeur Sato . Aujourd’hui,
elle ne souhaite pas s’exprimer sur ses liens avec Hergé et Jacobs.
    8  Les rapports entre Les Aventures de Tintin et L’Homme de Rio sont
évoqués par Philippe de Broca lui-même dans le documentaire Moulinsart-Hollywood, quand Tintin fait son cinéma (Wilbur Leguebe
et Benoît Peeters, Arte-RTBF, 1995).

 
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    Le démon de la pureté
     
    Entre Germaine et Fanny, Hergé se sent toujours incapable de prendre une décision. Sur le plan professionnel,
les hésitations sont presque aussi fortes. Après Coke en
stock , il se lance sur des pistes narratives très différentes, ne
sachant dans quelle direction s’orienter pour la prochaine
aventure de Tintin.
    La réflexion scénaristique a beaucoup évolué depuis la
fin des années trente. Il n’est plus question de petits carnets
et de notations lapidaires. Le temps des raccourcis est terminé. Hergé développe désormais de façon méthodique et
minutieuse, un rien laborieuse parfois, les diverses possibilités qui s’offrent à lui. Il songe notamment à un récit centré
sur le peuple indien. Ne serait-ce pas l’occasion de traiter
comme il le mérite un thème qu’il n’a fait qu’effleurer, en
1932, dans