Herge fils de Tintin
prestigieux Times Literary
Supplement et Olivier Todd publie dans The Listener une
étude sur « Tintin, Milou and European Humanism ».
Il y a plus important : un livre entièrement consacré
aux personnages d’Hergé est en préparation, Le Monde de
Tintin . L’auteur, Pol Vandromme, n’est âgé que de trente
et un ans ; il est donc trop jeune pour avoir collaboré.
Mais il a publié des essais plutôt complaisants sur Brasillach et Drieu La Rochelle et il est recommandé par Félicien Marceau. Il n’y a donc pas de mauvaises surprises à
redouter. De toute manière, Hergé et Baudouin van den
Branden suivent de près la réalisation de l’ouvrage. Tintin
est déjà très connu, mais son auteur ne l’est guère et il n’a
pas l’intention de laisser transparaître quoi que ce soit de
la grave crise personnelle qu’il est en train de vivre.
Comme le note judicieusement Vandromme, ce qu’il y a de
plus étonnant chez Hergé, c’est « qu’il soit un homme d’un
abord aussi accessible et qu’en même temps, sans se raidir,
il s’abandonne si peu, il s’avoue avec prudence, il décourage
une prise un peu ferme 5 ». Les rares informations biographiques ont été ajoutées in extremis , à la demande expresse
de l’éditeur : quelques indications sur son enfance, ses
débuts, les années de guerre et leurs difficiles lendemains ;
sur ce dernier point, l’auteur des Aventures de Tintin trouve
en Pol Vandromme un allié plutôt combatif.
Le livre doit paraître chez Gallimard, ce qui flatte
Hergé, mais l’intimide plus encore. Quand il prend
connaissance de la préface écrite par Roger Nimier, le dessinateur se sent réellement mal à l’aise :
Les Aventures de Tintin , si l’on en croit Pol Vandromme, ont
des prolongements métaphysiques. Le héros dessiné par
Hergé suit effectivement toutes les pistes de l’imaginationcontemporaine. Il est en Chine avec Malraux, au temps des Conquérants et du Lotus bleu . Il accompagne Hemingway
quand celui-ci écrit Les Vertes collines d’Afrique , dans Tintin
au Congo . Il rejoint Simenon écrivant Maigret chez le coroner ,
avec Tintin en Amérique . Il précède Le Vent dans les voiles de
Jacques Perret, avec Le Secret de la Licorne . Enfin, il approche
Pierre Benoit dans Le Sceptre d’Ottokar et D.H. Lawrence
dans Le Temple du Soleil … On voit et on verra surtout en
lisant Pol Vandromme que le monde de Tintin peut prétendre au rang d’univers 6 .
Hergé fait savoir à Vandromme qu’il refuse absolument
cette préface, menaçant même Gallimard de retirer ses
illustrations si l’on tente de la maintenir. Avec cette accumulation de références littéraires, pas forcément appropriées, le dessinateur craint de passer pour un snob auprès
de ses vieux amis, qui savent que longtemps il n’a pas lu
grand-chose, comme des autres auteurs de bande dessinée
belges, qui n’ont déjà que trop tendance à le juger encombrant.
Car désormais, Tintin est partout. On sollicite l’auteur
pour transposer ses aventures au théâtre, avec des marionnettes ou sous forme d’opérette. Les histoires connaissent
aussi un immense succès sous forme de feuilletons radiophoniques, puis de disques. Raymond Leblanc, à qui
Hergé a confié ses droits dérivés depuis la malheureuse
affaire Thièry, n’est jamais en retard d’un projet. En 1957,
alors que la télévision française en est à ses balbutiements,
il tente une adaptation des Aventures de Tintin en « semi-animation » noir et blanc, avec la voix de Jean Nohain, lagrande vedette de l’époque. Comme le résultat n’est guère
convaincant, Leblanc s’associe à une société américaine
pour développer de véritables dessins animés, toujours
destinés à la télévision. Craignant à juste titre que ses personnages ne soient dénaturés, Hergé impose la présence
du scénariste Greg à côté du vieux routier hollywoodien
qu’est Charles Shows ; cela n’empêchera pas ces feuilletons de prendre d’énormes libertés, sur le plan narratif
comme sur le plan graphique.
À la même époque, les demandes d’adaptation se multiplient pour un film de Tintin destiné au grand écran.
Certaines propositions restent sans lendemain, comme
celle du commandant Cousteau qui voulait tourner Le
Trésor de Rackham le Rouge en construisant grandeur
nature le sous-marin de Tournesol. Mais, en 1957, un
jeune producteur passionné de voyages, André Barret,
sympathise avec Hergé et réussit à
Weitere Kostenlose Bücher