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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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d’allégresse,
une vraie juvénilité traversent cette longue fanfaronnade.
    En passant de Totor à Tintin , Hergé a fait plus que
s’éloigner du scoutisme. Il s’est affranchi de la tyrannie du
texte pour entrer de plain-pied dans la bande dessinée. À
cet égard, on doit faire un sort à une légende, alimentée
par Hergé : le dessinateur prétendit parfois avoir découvert les comics par l’intermédiaire de Léon Degrelle, le
futur leader du mouvement rexiste ; lors de son reportage
au Mexique, ce dernier aurait envoyé au Vingtième Siècle une série de journaux, contenant des séries de bandes dessinées américaines. Degrelle usa et abusa de cette anecdote qui semblait apporter quelque crédit à son rôle dans
la carrière d’Hergé. Mais s’il n’y a aucune raison de mettre
en doute la réalité de ces envois, il est absurde de vouloir
y trouver l’origine d’une évolution technique majeure : le
premier volet du reportage sur les Cristeros est paru le
1 er février 1930, un an après le début de Tintin au pays des
Soviets  ! Sans doute les colis de Degrelle ont-ils fait
connaître à Hergé quelques bandes dessinées qu’il ignorait jusqu’alors, et surtout ils lui ont permis de les découvrir en couleur et dans leur format d’origine. Mais bien
avant le voyage au Mexique de l’envoyé spécial du Vingtième Siècle , Hergé avait vu des « bédés-à-ballons ».
    De toute manière, même en Europe, le créateur de
Tintin n’était pas le premier à utiliser ce procédé. Pour
s’en tenir aux personnages les plus populaires, Zig et Puce
ont fait dès 1925 leur apparition dans les pages de Dimanche-Illustré . Hergé connaît bien la série et a beaucoup d’admiration pour Alain Saint-Ogan, sa simplicité
graphique et son sens du récit. À cette époque, Hergé a lu
aussi certaines bandes américaines en traduction française, comme La Famille Illico ( Bringing up Father ) de
Geo McManus, dessinateur dont il apprécie particulièrement la façon de suggérer les nez. Bientôt, il s’enthousiasme pour « une série qui se passait dans une maison defous 8  » dont le héros cherchait systématiquement à
s’évader.
    Quant à savoir pourquoi Les Aventures de Tintin se présentent d’emblée comme une bande dessinée au sens
moderne du terme, alors que Totor tenait encore du récit
illustré, c’est une question plus complexe. Indéniablement, l’influence de Christophe fut longtemps forte,
avant que Hergé ne se rende compte que ce système narratif – séparant le texte et les dessins – ne pouvait pas lui
convenir. Hergé ne s’étendra pas sur ce point : comme
beaucoup de créateurs, il eut tendance à minimiser les
influences les plus décisives – celle des auteurs qu’il commença par piller – et à insister sur des maîtres moins
proches de lui. Il cite McManus plus volontiers que Hansi
ou Christophe dont le rôle fut déterminant. Mais, pour
comprendre cette évolution technique, il faut surtout
tenir compte des dates. C’est en 1928, juste avant Tintin
au pays des Soviets , que s’impose le principe du cinéma
parlant. Hergé insistera suffisamment sur la comparaison
pour qu’on y prête attention. On se souvient que Totor était qualifié de « grand film comique ». Et quelques
années plus tard, il déclarera : « Je considère mes histoires
comme des films […], mais il s’agit naturellement de
films sonores et parlants 100 % 9 . »
    La « bédé-à-ballons » était pourtant loin d’aller de soi,
comme le montre un incident survenu lors de la première
publication d’Hergé en France. Le jeune abbé Gaston Courtois, alias « Jacques Cœur », venait de créer Cœurs Vaillants .
Ayant entendu parler de Tintin, il se rendit à Bruxelles, sympathisa avec l’abbé Wallez et rencontra Hergé. Mais,
lorsqu’en octobre 1930, Tintin au pays des Soviets fut repris
dans l’hebdomadaire français, l’abbé crut bon d’ajouter sous
chaque image une légende explicative, à la façon de Bécassine . « Ils étaient persuadés que le public ne pouvait pas
comprendre ces pages de dessins sans le moindre texte
d’explication ! Je suis intervenu vigoureusement pour qu’ils
cessent », racontait Hergé. Le problème était en effet que
cette adjonction de légendes, dans des pages prévues
pour ne pas en comporter, rendait la lecture à peu près
impossible : tout s’embrouillait, les deux principes étant
rigoureusement

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