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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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Et sans doute
cela explique-t-il que Tintin lui ait emprunté son caractère,
ses gestes, ses attitudes 1 .
     
    Il avait des gestes et une façon d’être physiquement qui, à
mon insu, ont dû m’inspirer. Ses gestes et ses attitudes me
restaient dans l’œil. Je les restituais de manière maladroite,mais, sans le vouloir et même sans le savoir, c’était lui que je
dessinais. C’est surtout frappant dans les premiers dessins de Tintin au pays des Soviets 2 .
    Quant à la profession du nouveau héros, elle est toute
trouvée : il sera reporter. Alors qu’il se morfondait au
bureau des abonnements, Hergé avait eu le loisir de fantasmer sur les aventures exaltantes de ces journalistes hors
du commun. Joseph Kessel, Albert Londres et quelques
autres faisaient monter spectaculairement les tirages des
journaux qui publiaient leurs récits de voyages. Hergé
avait rêvé de partir lui aussi enquêter « sur le terrain ».
Tintin allait réaliser à sa place cette vocation d’un instant.
Bien que cette fonction de reporter survive officiellement
jusqu’au milieu de la série (les albums noir et blanc étaient
surtitrés « Les Aventures de Tintin, reporter », et, dans L’Étoile mystérieuse , il est dit que le héros « représente la
presse d’information »), ce n’est que dans cette histoire
initiale que le personnage exerce vraiment sa profession.
Encore s’agit-il d’une conception relativement peu orthodoxe, et particulièrement musclée, du métier de journaliste. On ne voit Tintin écrire qu’un seul article, d’une
longueur démesurée il est vrai. Le reste du temps, il provoque les événements davantage qu’il ne les décrit, se lançant à longueur de pages dans d’invraisemblables
bagarres.
    La destination de Tintin ne fait pas l’objet de plus longs
débats. C’est en Russie soviétique que Wallez veut que
Hergé envoie son nouveau héros, cela fait partie du
contrat. L’abbé fourre dans les mains du dessinateur le
livre Moscou sans voiles de l’ancien consul belge à Rostov-sur-le-Don, un gros succès, publié l’année précédente.L’auteur, Joseph Douillet, ne s’encombre pas de nuances :
le communisme est mauvais et pervers, intrinsèquement,
intégralement. Le régime ne va-t-il pas, dans des intentions perverses, jusqu’à encourager la mixité dans les
écoles ? Pour le reste, Hergé a quelques souvenirs du Général Dourakine de la comtesse de Ségur née Rostopchine. Cela lui suffit largement. Le dessinateur n’a pas à se
forcer pour attaquer les bolcheviques. Dans son enfance,
il avait été horrifié par le massacre de la famille tsariste, et
notamment du tsarévitch. « Cela avait constitué pour moi
un véritable choc psychologique 3  », raconta-t-il à Henri
Roanne. Hergé a d’ailleurs l’habitude des caricatures
anticommunistes : dans Le Sifflet , il avait publié une série
de dessins sous le titre : « 70 % des chefs communistes
sont mabouls 4 . »
     
    Le 10 janvier 1929, les deux premières planches de Tintin au pays des Soviets paraissent donc dans Le Petit
Vingtième . On ne pourrait imaginer début moins remarquable pour une œuvre appelée à un tel destin. Hergé a
rarement aussi mal dessiné que pour cette page inaugurale. Regardons, ou plutôt lisons , puisque la première
vignette de ce qui deviendra la plus grande bande dessinée
européenne est dénuée de toute image. Il n’y a là que du
texte. Et quel texte :
Le « Petit XX e  » toujours désireux de satisfaire ses lecteurs et
de les tenir au courant de ce qui se passe à l’étranger, vient
d’envoyer en Russie soviétique un de ses meilleurs reporters :
T INTIN  !
    Ce sont ses multiples avatars que vous verrez défiler sous vos
yeux chaque semaine.
    N.B. La direction du « Petit XX e  » certifie toutes ces photos
rigoureusement authentiques, celles-ci ayant été prises par
Tintin lui-même, aidé de son sympathique cabot : Milou !
    Le reste de la planche ne nous présente certes pas de
photos (mais sans doute s’agit-il d’un private joke , d’une
allusion à ces fonctions de reporter-photographe que
l’abbé Wallez avait confiées au jeune Hergé en même
temps qu’un rôle de dessinateur, fonctions qu’il ne parvint jamais à remplir). Les clichés, en revanche, ne manqueront pas.
    Les autres cases n’ont rien de bien remarquable.
Tintin salue le rédacteur en chef du journal,
M. Zwaenepoel, qui hypocritement lui recommande
d’être prudent.

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