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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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d’eux. Mais
la Gestapo est tellement en mal de piste qu’elle décide de creuser celle-ci,
qui la mène à Lidice.
    Lidice est un petit village
paisible et pittoresque d’où sont issus deux Tchèques qui se sont enrôlés dans
la RAF. En fait de piste, c’est tout ce que les Allemands arrivent à trouver.
Il est évident qu’ils font fausse route, même pour eux. Mais la logique nazie a
quelque chose d’impénétrable. Ou plutôt c’est très simple : ils trépignent
et il leur faut du sang.
    Je contemple longuement la
photo d’Anna. La pauvre jeune fille pose comme pour un portrait d’Harcourt,
alors qu’il s’agit d’une photo d’identité sur son livret de travail. Plus je
scrute ce portrait et plus je la trouve belle. Elle ressemble un peu à Natacha,
le front haut, la bouche bien dessinée, avec ce même air de douceur et d’amour
dans les yeux, très légèrement assombri peut-être par la prémonition d’un
bonheur déçu.
236
    « Messieurs, s’il vous
plaît… » Frank et Dalüge sursautent. Dans le couloir, tout est
parfaitement silencieux et je ne sais plus depuis combien de temps ils tournent
en rond. Ils entrent dans la chambre d’hôpital en retenant leur souffle. Le
silence y est encore plus écrasant. Lina est là, hiératique, blême. Ils
s’approchent du lit à pas de loup, comme s’ils avaient peur de réveiller un
fauve ou un serpent. Mais le visage d’Heydrich reste impassible. Sur le registre
de l’hôpital, on inscrit l’heure du décès : 4 h 30, et la cause
de la mort : infection due à une blessure.
237
    « Puisque c’est l’occasion
qui fait non pas seulement le larron mais aussi l’assassin, les comportements
héroïques consistant à rouler dans une voiture découverte et sans blindage ou à
marcher dans les rues sans escorte ne sont que de la foutue stupidité et ne
servent pas le moins du monde les intérêts du pays. Qu’un homme aussi
irremplaçable qu’Heydrich expose inutilement sa personne au danger, c’est idiot
et stupide ! Les hommes de l’importance d’Heydrich devraient savoir qu’ils
sont éternellement des cibles de foire et qu’ils sont un certain nombre à
guetter la moindre occasion de les abattre. »
     
    Göbbels assiste à un spectacle
qu’il va être amené à revoir de plus en plus souvent jusqu’au 2 mai
1945 : Hitler tentant de dominer sa colère en prenant un ton sentencieux
pour faire la leçon à la terre entière, sans y parvenir. Himmler approuve
silencieusement. Il n’a pas l’habitude de contredire son Führer et de plus, il
est aussi en colère que lui, contre les Tchèques et contre Heydrich. Bien sûr,
Himmler se méfiait de l’ambition de son bras droit. Mais sans lui, privé des
compétences de cette implacable machine de terreur et de mort, il se sait plus
vulnérable. Avec Heydrich, il perd un rival potentiel mais surtout un atout
maître dans son jeu. Heydrich, c’était son valet de trèfle. Et on connaît
l’histoire : lorsque Lancelot quitte le royaume de Logres, c’est le début
de la fin.
238
    Pour la troisième fois,
Heydrich fait solennellement le trajet qui le mène au Hradchine, mais cette
fois, dans son cercueil. Une scénographie wagnérienne a été orchestrée pour
l’occasion. Le cercueil, drapé dans un gigantesque étendard SS, est déposé sur
un chariot à canon. Une procession aux flambeaux part de l’hôpital. Une file
interminable de véhicules semi-chenillés avance lentement dans la nuit. À bord,
des Waffen-SS en armes brandissent des torches qui illuminent la route. Sur les
bas-côtés, des soldats au garde-à-vous saluent le convoi tout au long du
chemin. La présence d’aucun civil n’a été autorisée et, à vrai dire, personne
parmi la population ne souhaite se hasarder dehors. Frank, Dalüge, Böhme, Nebe,
casqués et en tenue de combat, font partie de la garde d’honneur qui accompagne
le cercueil à pied. Au terme d’un trajet commencé le 27 mai à
10 heures, Heydrich parvient enfin à destination. Pour la dernière fois,
il franchit les vantaux ouvragés, passe sous la statue à la dague et pénètre
dans l’enceinte du château des rois de Bohême.
239
    J’aimerais bien passer mes
journées avec les parachutistes, dans la crypte, rapporter leurs discussions,
décrire comment leur vie quotidienne s’organise dans la froidure et l’humidité,
ce qu’ils mangent, ce qu’ils lisent, ce qu’ils entendent de la rumeur de la
ville, ce qu’ils font avec

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