Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
Vom Netzwerk:
dicte ses ordres : les
manifestations spontanées auront lieu dans la nuit. Tous les bureaux de la
police d’Etat doivent immédiatement prendre contact avec les responsables du
Parti et avec ceux de la SS. Les manifestations qui vont avoir lieu ne seront
pas réprimées par la police. Seules devront être prises des mesures ne
comportant aucun danger pour la vie et les biens des Allemands (par exemple,
les synagogues ne seront incendiées que si le feu ne risque pas d’atteindre les
bâtiments avoisinants). Les maisons de commerce et les appartements privés des
Juifs peuvent être détruits mais non pillés. On devra arrêter autant de Juifs,
surtout les riches, que peuvent en contenir les prisons actuellement
existantes. Dès leur arrestation, il conviendra de se mettre immédiatement en
rapport avec les camps de concentration appropriés, afin de les interner le
plus tôt possible. L’ordre est transmis à 1 h 20.
    Les SA se sont déjà mis en
route, les SS leur emboîtent le pas. Dans les rues de Berlin, et de toutes les
grandes villes d’Allemagne, les vitres des magasins juifs volent en éclats, les
meubles des appartements juifs passent par la fenêtre, et les Juifs eux-mêmes
sont molestés, quand ils ne sont pas arrêtés, voire abattus. On a vu des machines
à écrire, des machines à coudre, et même des pianos écrasés sur le sol. Toute
la nuit, les exactions se poursuivent. Les honnêtes gens se terrent chez eux,
les plus curieux assistent au spectacle, en se gardant d’intervenir, comme des
fantômes silencieux, sans que l’on puisse déterminer la nature de leur silence,
complice, désapprobateur, incrédule, satisfait. Quelque part en Allemagne, on
frappe à la porte d’une vieille dame de 81 ans. Quand elle ouvre aux SA,
elle ricane : « J’ai des visiteurs de marque, ce matin ! »
Mais quand les SA lui demandent de s’habiller et de les suivre, elle s’assoit
sur son canapé et déclare : « Je ne m’habillerai pas et je n’irai
nulle part. Faites de moi ce que vous voulez. » Et quand elle répète :
« Faites de moi ce que vous voulez », le chef de l’escouade dégaine
et lui tire dans la poitrine. Elle s’écroule sur son canapé. Il lui loge une
deuxième balle dans la tête. Elle tombe du canapé et roule sur elle-même. Mais
elle n’est pas encore morte. La tête tournée vers la fenêtre, elle émet un
léger râle. Alors le chef lui tire une troisième balle, au milieu du front, à
dix centimètres.
    Ailleurs, un SA monte sur le
toit d’une synagogue saccagée et brandit des rouleaux de la Torah en
hurlant : « Torchez-vous avec, Juifs ! » Et il les lance
comme des serpentins de carnaval. Déjà ce style inimitable.
    Dans le rapport du maire d’une
petite ville, on peut lire : « L’action contre les Juifs s’est
déroulée avec célérité et sans tension particulière. Suite aux mesures prises,
un couple juif s’est jeté dans le Danube. »
    Toutes les synagogues brûlent,
mais Heydrich, qui connaît son métier, a ordonné qu’on transfère toutes les
archives qu’on pourrait y trouver au QG du SD. Des caisses de documents
parviennent à la Wilhelmstrasse. Les nazis aiment brûler les livres, mais pas
les registres. Efficacité allemande ? Qui sait si des SA ne se sont pas
torchés avec de précieuses archives…
    Le lendemain, c’est à Göring
qu’Heydrich fait parvenir un premier rapport confidentiel : l’importance
des destructions en ce qui concerne les boutiques et les maisons juives ne peut
être encore vérifiée par les chiffres. 815 magasins détruits, 171 maisons
d’habitation incendiées ou détruites n’indiquent qu’une fraction des véritables
dégâts. Le feu a été mis à 119 synagogues et 76 autres ont été
complètement détruites. 20 000 Juifs ont été arrêtés. On a signalé
36 morts. Les blessés graves sont également au nombre de 36. Les tués et
les blessés sont tous juifs.
    On a aussi informé Heydrich de
cas de viols : en l’espèce, il s’agit d’une violation caractérisée des
lois raciales de Nuremberg. En conséquence de quoi, les coupables seront
arrêtés, chassés du Parti et remis à la Justice. Ceux qui ont tué, en revanche,
ne seront pas inquiétés.
    Deux jours plus tard, au ministère
des Transports aériens, Göring préside une réunion afin de trouver un moyen de
faire endosser par les Juifs le coût des dégâts occasionnés. En effet, comme le
fait remarquer le porte-parole

Weitere Kostenlose Bücher