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œuvré sa vie entière pour
l’indépendance de son pays et aujourd’hui, grâce à Hitler, il touche au but. Le
13 mars 1939, alors que les divisions de la Wehrmacht sont sur le point
d’envahir la Bohême et la Moravie, le chancelier du Reich reçoit le futur
président slovaque.
Comme toujours, Hitler parle,
et son interlocuteur écoute. En l’occurrence, Tiso ne sait pas s’il doit se
réjouir ou trembler. Pourquoi ce qu’il a souhaité depuis toujours doit-il
advenir sous forme d’ultimatum et de chantage ?
Hitler explique : la
Tchécoslovaquie doit à la seule Allemagne de ne pas avoir été mutilée
davantage. Le Reich, en se contentant d’annexer la région des Sudètes, a fait
preuve d’une grande mansuétude. Pourtant, les Tchèques ne lui ont manifesté
aucune reconnaissance. Au cours des dernières semaines, la situation est
devenue impossible. Trop de provocations. Les Allemands qui résident encore
là-bas sont opprimés et persécutés. C’est l’esprit du gouvernement Beneš qui
revient (à ce nom, Hitler s’échauffe).
Les Slovaques l’ont déçu. Après
Munich, il s’est brouillé avec ses amis les Hongrois parce qu’il n’a pas permis
qu’ils s’emparent de la Slovaquie. Il croyait alors que les Slovaques voulaient
leur indépendance.
La Slovaquie désire-t-elle, oui
ou non, son indépendance ? C’est une question, non pas de jours, mais
d’heures. Si la Slovaquie veut son indépendance, il l’aidera, et la prendra
sous sa protection. Mais si elle refuse de se séparer de Prague, ou si même
elle hésite, il abandonnera la Slovaquie à son destin : elle sera le jouet
d’événements dont il ne sera plus responsable.
À ce moment précis, Hitler se
fait remettre par Ribbentrop un rapport, dont il prétend qu’il vient d’arriver,
qui révèle des mouvements de troupes hongroises à la frontière slovaque. Cette
petite mise en scène permet à Tiso, s’il en était besoin, de bien saisir
l’urgence de la situation, ainsi que les deux termes de l’alternative :
soit la Slovaquie déclare son indépendance pour faire allégeance à l’Allemagne,
soit elle se fait avaler par la Hongrie.
Tiso répond : les
Slovaques sauront se montrer dignes de la bienveillance du Führer.
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En échange de la cession des
Sudètes à l’Allemagne, la Tchécoslovaquie s’était vu garantir à Munich
l’intégrité de ses nouvelles frontières par la France et l’Angleterre. Mais
l’indépendance de la Slovaquie modifie la donne. Peut-on protéger un pays qui
n’existe plus ? L’engagement a été pris avec la Tchécoslovaquie, pas avec
la Tchéquie seule. C’est ce que répondent les diplomates anglais à leurs
homologues de Prague venus demander leur aide. Nous sommes à la veille de
l’invasion allemande. La lâcheté de la France et de l’Angleterre, cette
fois-ci, peut s’exercer en toute légalité.
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Le 14 mars 1939, à
22 h 40, un train en provenance de Prague entre en gare d’Anhalt, à
Berlin. Il en descend un vieillard vêtu de noir, la lèvre pendante, le cheveu
rare, l’œil éteint. Le président Hácha, qui a remplacé Beneš après Munich, est
venu supplier Hitler d’épargner son pays. Il n’a pas pris l’avion parce qu’il
est malade du cœur, sa fille l’accompagne, ainsi que son ministre des Affaires
étrangères.
Hácha redoute ce qui l’attend
ici. Il sait que des troupes allemandes ont déjà franchi la frontière, et se
massent tout autour de la Bohême. Une invasion est imminente, et il n’a fait le
déplacement que pour négocier une reddition honorable. Je suppose qu’il serait
tout prêt à accepter des conditions similaires à celles imposées à la
Slovaquie : un statut de nation indépendante mais sous tutelle allemande.
Ce qu’il craint, c’est ni plus ni moins la disparition totale de son pays.
Aussi, lorsqu’il pose le pied
sur le quai, quelle n’est pas sa surprise d’être accueilli par une garde d’honneur.
Le ministre des Affaires étrangères, Ribbentrop, s’est déplacé en personne. Il
offre une magnifique gerbe de fleurs à sa fille. Le cortège qui emmène la
délégation tchèque est digne d’un chef d’Etat, ce qu’il est encore. Hácha
respire un peu mieux. Les Allemands l’ont installé dans la plus belle suite du
somptueux hôtel Adlon. Sur son lit sa fille trouve une boîte de chocolats,
cadeau personnel du Führer.
Le président tchèque est
conduit à la Chancellerie, où là ce sont des
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