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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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l’Etat
pour sauver la nation », croit-il, l’imbécile. C’est comme si la bêtise de
Chamberlain était contagieuse…
81
    « Berlin, 15 mars
1939
    À leur requête, le Führer a
reçu aujourd’hui à Berlin le Docteur Hácha, président de Tchécoslovaquie [les
Allemands, semble-t-il, n’avaient pas encore entériné officiellement
l’indépendance de la Slovaquie, qu’ils avaient pourtant orchestrée eux-mêmes],
et le Docteur Chvalkovsky, ministre des Affaires étrangères de Tchécoslovaquie,
en présence de M. von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères. Au
cours de cette réunion, la grave situation créée par les événements des
dernières semaines dans l’actuel territoire tchécoslovaque a été examinée avec
une complète franchise.
    Les deux parties se sont
déclarées l’une et l’autre convaincues que tous les efforts devaient être faits
pour maintenir le calme, l’ordre et la paix dans cette partie de l’Europe
centrale. Le président de l’Etat tchécoslovaque a déclaré que, pour atteindre
ce but et pour parvenir à la pacification définitive, il a remis avec confiance
le destin du pays et du peuple tchèques entre les mains du Führer du Reich
allemand. Le Führer a enregistré cette déclaration ; il a exprimé son
intention de placer le peuple tchèque sous la protection du Reich allemand et
de lui garantir le développement autonome de sa vie ethnique, tel qu’il convient
à son caractère propre. »
82
    Hitler exulte. Il embrasse
toutes ses secrétaires, auxquelles il déclare : « Mes enfants, c’est
le plus beau jour de ma vie ! Mon nom restera dans l’Histoire, je serai
considéré comme le plus grand Allemand qui ait jamais vécu ! »
    Pour fêter ça, il décide de se
rendre à Prague.
83
    La plus belle ville du monde
est comme agitée de spasmes sporadiques. Les Allemands locaux cherchent à
déclencher une émeute. Des manifestants défilent sur Václavske náměstí,
l’immense avenue surplombée par l’imposant Muséum d’histoire naturelle. Des
provocateurs cherchent à en découdre, mais la police tchèque a reçu l’ordre de
ne pas intervenir. Les violences, les pillages, les vandalismes de ceux qui
attendent l’arrivée de leurs frères nazis sont des cris de guerre dont le
silence de la capitale ne renvoie aucun écho.
    C’est la nuit qui s’abat sur la
ville. Un vent glacé vient balayer les rues de Prague. Seuls une poignée
d’adolescents excités adressent encore quelques insultes à des policiers en
faction aux abords de la Deutsches Haus , la Maison de l’Allemagne. Sous
l’horloge astronomique, place de la Vieille Ville, le petit squelette tire sur
sa cordelette comme il le fait toutes les heures depuis des lustres. Minuit
sonne. Le grincement caractéristique des volets de bois se fait entendre, mais
ce soir, je gage que personne ne prend la peine de regarder le défilé des
petits automates qui réintègrent bien vite les entrailles de la tour où ils
seront, peut-être, en sécurité. J’imagine des nuées de corbeaux voler autour de
Notre-Dame-de-Týn, la sombre cathédrale hérissée de ses sinistres tourelles de
guet. Sous le pont Charles coule la Vltava. Sous le pont Charles coule la
Moldau. Le fleuve paisible qui traverse Prague a deux noms, l’un tchèque,
l’autre allemand, et c’est sans doute symptomatiquement un de trop.
    Les Tchèques essaient nerveusement
de trouver le sommeil. Ils espèrent encore que des concessions supplémentaires
calmeront l’appétit des Allemands – mais à quelles concessions
n’ont-ils pas déjà consenti ? Pour attendrir l’ogre hitlérien, ils
comptent sur la servilité de leur président Hácha. Leur volonté de résistance a
été brisée à Munich par la trahison de la France et de l’Angleterre. Ils n’ont
plus que leur passivité à opposer au bellicisme nazi. Ce qui reste de la
Tchécoslovaquie n’aspire qu’à être une petite nation pacifique, mais la
gangrène inoculée il y a des siècles par Přemysl Otakar II s’est
propagée dans tout le pays, l’amputation des Sudètes n’y pourra rien changer.
Avant l’aube, la radio annonce les termes de l’accord conclu entre Hácha et
Hitler. C’est l’annexion pure et simple. La nouvelle éclate comme une bombe
dans chaque foyer tchèque. Le jour ne s’est pas encore levé que les rues
commencent à bruisser d’abord d’une rumeur sourde, qui se transforme
progressivement en brouhaha, puis en un tumulte

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