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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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rencontrer ses amis du 14 e  régiment
d’infanterie, où il a servi pendant trois ans. Le printemps tarde à venir et la
neige tenace crisse sous ses bottes.
    Les cafés, à Košice, ont rarement
pignon sur rue. Il faut en général pénétrer sous un porche, voire descendre ou
monter des escaliers, pour accéder à une salle bien chauffée. C’est dans l’un
d’eux que Gabčík retrouve ses anciens camarades, le soir venu. Chacun se
réjouit de ces retrouvailles autour d’une pinte de Steiger (une bière brassée
dans la région de Banská Bystrica). Mais Gabčík n’est pas venu faire une
simple visite de courtoisie. Il veut savoir où en est l’armée slovaque, et
comment elle se positionne par rapport au gouvernement de Tiso, le cardinal
collaborateur.
    — Les officiers supérieurs
se sont rangés à Tiso ; tu sais, Jozef, pour eux, la rupture avec
l’état-major tchèque, c’est la perspective de promotions rapides !….
    — L’armée n’a pas bronché,
ni les officiers, ni la troupe. En tant que nouvelle armée slovaque, on est
tenu d’obéir au nouveau gouvernement indépendant, c’est normal.
    — On voulait
l’indépendance depuis longtemps et peu importe comment on l’a obtenue !
C’est bien fait pour les Tchèques ! Ils nous auraient traités avec
davantage de considération, on n’en serait peut-être pas arrivé là ! Tu
sais très bien que les Tchèques avaient toujours les meilleurs postes partout.
Au gouvernement, dans l’armée, l’administration, partout ! C’était
dégueulasse !
    — De toute façon, c’était
le seul moyen : si Tiso n’avait pas dit oui à Hitler, on se serait fait
bouffer comme eux. D’accord, je sais bien que ça ressemble à une
semi-occupation, mais finalement, on a quand même plus d’autonomie qu’avec les
Tchèques.
    — Tu sais qu’à Prague, ils
ont décrété l’allemand langue officielle ! Ils ferment toutes les
universités tchèques, ils censurent toute activité culturelle tchèque, ils ont
même fusillé des étudiants ! C’est ça que tu voudrais ? Crois-moi,
c’était la meilleure solution…
    — C’était la seule
solution, Jozef !
    — Pourquoi on se serait
battus alors que c’est Hácha lui-même qui a demandé la capitulation ? On
n’a fait qu’obéir aux ordres.
    — Beneš, ouais, ouais,
mais il continue tranquillement le combat à Londres, c’est plus facile. Nous,
les pauvres cons, on est sur place.
    — Et puis tout ça, c’est
de sa faute. Il a signé Munich, non ? Il nous a pas envoyés nous battre
pour les Sudètes, tu te souviens ? À l’époque, notre armée aurait pu
peut-être – je dis bien peut-être ! – rivaliser avec
l’armée allemande… mais maintenant, qu’est-ce qu’on pouvait faire ? Tu as
vu les chiffres de la Luftwaffe ? Tu sais combien ils ont de bombardiers
en service ? Ils sont entrés comme dans du beurre, ils nous auraient
massacrés.
    — Moi, je veux pas mourir
pour Hácha, ni pour Beneš !
    — Ni pour Tiso !
    — Bon, on a quelques
Allemands en uniforme qui traînent en ville, et alors ? Je vais pas te
dire que j’aime ça, mais c’est moins pire qu’une vraie occupation militaire. Va
demander à tes amis tchèques !
    — Moi, j’ai rien contre
les Tchèques, mais ils nous ont toujours traités comme des ploucs. Je suis allé
une fois à Prague, les mecs faisaient semblant de pas me comprendre, à cause de
mon accent ! Ils nous ont toujours méprisés. Maintenant, qu’ils se démerdent
avec leurs nouveaux compatriotes ! On verra s’ils préfèrent l’accent
allemand !
    — Hitler a eu ce qu’il
voulait, il a dit qu’il n’aurait plus aucune revendication territoriale. Et
nous, on n’a jamais été en zone allemande. Sans lui, c’est la Hongrie qui nous
aurait bouffés, Jozef ! Il faut voir les choses en face.
    — Qu’est-ce que tu
veux ? Un coup d’Etat ? Aucun général n’aurait les couilles de faire
ça. Et puis ensuite, quoi ? On repousse l’armée allemande à nous tout
seuls ? Tu crois que la France et l’Angleterre vont soudain voler à
notre aide ? On les a attendus pendant un an !
    — Crois-nous, Jozef, tu as
un boulot tranquille, retourne à Žilina, trouve-toi une fille gentille, et
laisse tomber toute cette histoire. On s’en sort pas si mal, finalement.
    Gabčík a fini sa bière. Il
est déjà tard, lui et ses camarades sont un peu gris, la neige tombe dehors. Il
se lève pour prendre congé,

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