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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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elle, n’est pas morte. Elle doit
continuer à se battre même hors de ses frontières. Beneš, reconnu par les
patriotes tchécoslovaques comme seul président légitime, veut former aussi vite
que possible un gouvernement provisoire en exil. Un an avant l’appel du
18 juin, Beneš, c’est un peu de Gaulle + Churchill. L’esprit de
Résistance est en lui.
    Malheureusement, ce n’est pas
encore Churchill qui tient les rênes de la destinée anglaise et mondiale, mais
l’ignoble Chamberlain, dont la veulerie n’a d’égale que la cécité. Il a dépêché
un employé des Affaires étrangères, d’un rang particulièrement subalterne, pour
accueillir l’ancien président. Et, en fait d’accueil, le rond-de-cuir se montre
immédiatement désagréable. Il notifie à Beneš, celui-ci à peine descendu du
train, les conditions de son exil : la Grande-Bretagne n’accepte
d’accorder l’asile politique au ressortissant tchèque qu’à la condition
expresse que celui-ci s’engage à se tenir éloigné de toute activité politique.
Beneš, déjà reconnu de fait comme le chef d’un mouvement de libération par ses
amis et ses ennemis, encaisse l’insulte en faisant preuve de sa dignité
coutumière. Lui plus qu’aucun autre aura dû endurer, avec un stoïcisme
proprement surhumain, la bêtise méprisante de Chamberlain. Rien qu’à ce titre,
sa figure historique me paraît presque plus imposante que celle de de Gaulle.
94
    Voilà quatorze jours que le
SS-Sturmbannführer Alfred Naujocks est arrivé incognito dans la petite ville de
Gleiwitz, à la frontière germano-polonaise, en Silésie allemande. Il a
minutieusement préparé son coup et maintenant, il attend. Heydrich l’a appelé
hier à midi pour lui demander de régler un dernier détail avec « Gestapo »
Müller, qui s’est déplacé en personne, et qui loge dans la ville voisine
d’Oppeln. Müller doit lui fournir ce qu’ils appellent la « boîte de
conserve ».
    Il est 4 heures du matin
quand le téléphone sonne dans sa chambre d’hôtel. Il décroche, on lui demande
de rappeler la Wilhelmstrasse. À l’autre bout du fil, la voix aiguë de Heydrich
lui dit : « Grand-maman est morte. » C’est le signal,
l’opération « Tannenberg » peut commencer. Naujocks rassemble ses
hommes et se rend à la station radio qu’il projette d’attaquer. Mais avant de
passer à l’action, il doit distribuer un uniforme polonais à chaque membre de
l’expédition et réceptionner la « conserve » : un détenu qu’on a
spécialement sorti d’un camp de concentration, lui aussi habillé en soldat
polonais, inconscient mais encore vivant, semble-t-il, bien que Müller, selon
les directives, lui ait administré une injection létale.
    L’assaut débute à
8 heures. Les employés sont neutralisés sans heurts, et quelques coups de
feu sont tirés en l’air pour la forme. La « conserve » est déposée en
travers de la porte, et c’est Naujocks, très vraisemblablement, même s’il ne
l’avouera jamais à son procès, qui l’achève d’une balle dans le cœur, afin de
laisser une preuve concrète de l’attaque polonaise (une balle dans la nuque
aurait trop signalé l’exécution et une balle dans la tête risquait de retarder
l’identification). Il s’agit maintenant de diffuser en polonais le petit
discours préparé par Heydrich. L’un des SS, choisi pour ses compétences
linguistiques, est chargé de le prononcer. L’ennui, c’est que personne ne sait
comment faire fonctionner la radio. Naujocks panique quelque peu, mais
finalement, vaille que vaille, on parvient à émettre. Le discours est lu dans
un polonais fébrile. C’est une courte allocution déclarant que suite aux
provocations allemandes, la Pologne a décidé de passer à l’attaque. L’émission
ne dure pas plus de quatre minutes. De toute façon, l’émetteur n’est pas assez
puissant et, hormis quelques bourgades frontalières, le monde ne l’entendra
pas. Qui s’en soucie ? Naujocks, surtout, qu’Heydrich a préalablement
averti : « Si vous échouez, vous mourrez. Et moi aussi,
peut-être. »
    Mais Hitler tient son incident,
et les aléas de la technique l’indiffèrent. Quelques heures plus tard, il
s’adresse aux députés du Reichstag : « La Pologne, cette nuit, pour
la première fois, et sur le territoire allemand, a fait ouvrir le feu par ses
soldats réguliers. Depuis ce matin, l’Allemagne a engagé la riposte. À partir
de

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