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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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fonctionnaires doivent être exécutés de toute
façon, juifs ou pas ? C’est qu’alors Heydrich ignore quel accueil les
soldats de l’armée régulière vont faire aux exactions de ses Einsatzgruppen. Il
est vrai que la fameuse « directive des commissaires », signée par
Keitel le 6 juin 1941, et donc approuvée par la Wehrmacht, autorise les
massacres, mais ceux-ci officiellement se limitent aux ennemis politiques.
C’est donc tout d’abord uniquement en tant qu’ennemis politiques que les Juifs
soviétiques sont désignés comme cible. L’effet de redondance produit dans la
note est comme la trace d’un ultime scrupule. Naturellement, si des populations
locales désirent organiser des pogromes, ceux-ci seront discrètement
encouragés. Mais au début du mois de juillet, il n’est pas encore question
d’assumer à visage découvert le projet d’une extermination des Juifs pour la
seule raison qu’ils sont juifs.
    Deux semaines plus tard,
balayée par l’euphorie des victoires, la gêne aura disparu. Tandis que la
Wehrmacht enfonce l’Armée rouge sur tous les fronts, alors que l’invasion
progresse au-delà des prévisions les plus optimistes et que trois cent mille
soldats soviétiques sont déjà faits prisonniers, Heydrich réécrit sa directive.
Il en reprend les points essentiels, élargit sa liste en la détaillant quelque
peu (par exemple, il y inclut les anciens commissaires de l’Armée rouge). Et
enfin il remplace les Juifs occupant des fonctions au sein du Parti et de
l’Etat par tous les Juifs .
105
    Le Hauptmann Heydrich, à bord
d’un Messerschmitt 109 dont la carlingue, frappée des initiales RH en caractères runiques, indique qu’il s’agit de son appareil personnel, survole
le territoire soviétique à la tête d’une formation de chasseurs de la
Luftwaffe. Lorsque les avions allemands distinguent au sol des colonnes de
soldats russes qui battent péniblement en retraite, ils s’abattent sur eux
comme des tigres et, prenant la colonne en enfilade, les massacrent à la
mitrailleuse.
    Aujourd’hui pourtant, ce ne
sont pas des colonnes de fantassins qu’Heydrich repère sous lui, mais un Yak.
Il reconnaît sans peine la silhouette dodue du petit chasseur soviétique. En
dépit des énormes quantités d’avions ennemis détruits au sol par les
bombardiers allemands au début de l’offensive, l’espace aérien soviétique n’a
pas été complètement nettoyé, et il reste çà et là des résistances
sporadiques : ce Yak en est la preuve. Mais la supériorité de l’aviation
allemande ne souffre aucune discussion, tant en termes de qualité que de
quantité. Aucun chasseur soviétique ne peut réellement, en l’état actuel des
forces en présence, prétendre rivaliser avec le Me109. Heydrich, impétueux,
vaniteux, intime à son escadrille de rester en formation. Il veut offrir une
démonstration à ses hommes, et abattre l’avion russe tout seul. Il descend à sa
hauteur, et se glisse dans son sillage. Le pilote du Yak ne l’a pas vu. Le but
de la manœuvre est de s’approcher de la cible pour faire feu à environ cent
cinquante mètres de distance. L’avion allemand est beaucoup plus rapide, il se
rapproche. Quand il distingue nettement la queue de l’avion russe dans son
viseur, Heydrich tire. Aussitôt, le Yak bat des ailes comme un oiseau affolé.
Mais il n’est pas touché par la première salve, et en réalité il ne s’affole
pas. Il décroche en piquant vers le sol. Heydrich essaie de le suivre, mais son
virage est désespérément large par rapport à celui du pilote russe. Cet
imbécile de Göring avait prétendu que l’aviation soviétique était complètement
obsolète et en cela, comme pour à peu près tout ce que pensaient les nazis de
l’Union soviétique, il se trompait : certes, le Yak ne peut se mesurer aux
chasseurs allemands en termes de performances, mais il sait compenser sa
lenteur relative par une manœuvrabilité proprement diabolique. Le petit avion
russe continue à descendre, tout en effectuant des lacets toujours plus serrés.
Heydrich le suit, sans parvenir à le caler dans son viseur. On dirait un lièvre
poursuivi par un lévrier. Heydrich veut ramener une victoire et peindre un
petit avion sur le fuselage de son appareil, alors il s’entête, sans
s’apercevoir que le Yak, tout en multipliant les changements de direction pour
échapper aux salves de son poursuivant, ne fait pas n’importe quoi mais se
dirige vers un

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