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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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point précis. Lorsque des explosions retentissent soudain autour
de lui, Heydrich comprend : le pilote russe l’a amené au-dessus d’une
batterie de DCA soviétique et lui, imbécile, s’est jeté dans le piège.
    Un choc violent ébranle la
carlingue. Une fumée noire s’échappe de la queue. L’avion d’Heydrich s’écrase.
106
    C’est comme si on avait giflé
Himmler en pleine face. Le sang lui monte aux joues et il sent son cerveau
gonfler dans sa boîte crânienne. Il vient de recevoir la nouvelle : lors
d’un combat aérien au-dessus de la Bérézina, le Messerschmitt 109 de Heydrich a
été abattu. Bien sûr, si Heydrich est mort, c’est une grosse perte pour la SS,
homme dévoué, collaborateur zélé, etc. Mais c’est surtout s’il est vivant que
c’est une catastrophe. Car le chasseur est allé s’écraser derrière les
lignes soviétiques. S’il faut informer le Führer que son chef de la sécurité
est tombé aux mains de l’ennemi, Himmler s’attend à une scène très pénible. Il
recense mentalement le nombre d’informations détenues par Heydrich susceptibles
d’intéresser Staline. Ça paraît vertigineux. Et encore le Reichsführer SS
ignore-t-il exactement tout ce que sait son subordonné. Politiquement,
stratégiquement, si Heydrich parle, le désastre peut être gigantesque, les
conséquences incalculables. Himmler ne parvient pas à les mesurer. Derrière ses
petites lunettes rondes et sa petite moustache, il transpire.
    À vrai dire, ce n’est même pas
là son problème le plus urgent. Si Heydrich est mort, ou prisonnier des Russes,
la priorité absolue est de récupérer ses dossiers. Dieu seul sait ce qu’ils
peuvent contenir, et sur qui. Il faudra saisir le coffre, à son bureau et aussi
à son domicile. Pour la Prinz-Albert-Strasse, prévenir Müller, qui s’occupera
du RSHA, avec Schellenberg. Pour chez lui, mettre les formes avec Lina, mais
tout fouiller. En attendant, attendre : Heydrich est porté disparu, il n’y
a rien d’autre à faire. Passer chez Lina, pour préparer le terrain, et donner
des ordres sur le front afin qu’on mette tout en œuvre pour le retrouver, lui
ou son cadavre.
    On peut être en droit de se
demander ce que foutait le chef des services secrets nazis dans un chasseur
allemand au-dessus d’une zone de combats soviétique. C’est que parallèlement à
ses responsabilités chez les SS, Heydrich était officier de réserve dans la
Luftwaffe. En prévision de la guerre, il avait pris des cours de pilotage, et
quand l’invasion de la Pologne a commencé, il a absolument voulu répondre à
l’appel du devoir. Si prestigieux qu’ait été son poste de chef du SD, il
estimait quand même qu’il s’agissait d’un travail de bureaucrate, et puisqu’il
y avait la guerre, il fallait se comporter comme un vrai chevalier teutonique
et se battre. C’est ainsi qu’il s’est tout d’abord retrouvé mitrailleur dans un
bombardier. Mais, sans surprise, ce rôle trop secondaire ne lui a pas plu, et
il préféra prendre les commandes d’un Messerschmitt 110, pour effectuer
des vols de reconnaissance au-dessus de la Grande-Bretagne, puis surtout d’un
Messerschmitt 109 (l’équivalent allemand du Spitfire anglais) dans lequel
il se cassa un bras lors d’un décollage mal négocié pendant la campagne de
Norvège. Une biographie légèrement apologétique que je me suis procurée
rapporte avec admiration comment il effectua des vols le bras en écharpe. Par
la suite, il prit part, paraît-il, à des combats contre la RAF.
    Pendant ce temps, Himmler
s’inquiétait déjà pour lui comme un père. J’ai sous les yeux une lettre datée
du 15 mai 1940, écrite depuis son train spécial (le Sonderzug
« Heinrich », sic ), adressée à son « très cher
Heydrich », qui rend bien compte de la sollicitude du chef pour son bras
droit : « Donnez-moi de vos nouvelles tous les jours si
possible. » Par tout ce qu’il savait, Heydrich, en effet, valait très
cher.
    Ce n’est que deux jours plus
tard qu’il fut récupéré par une « patrouille » allemande, des hommes
à lui du Einsatzgruppe D, qui venaient de liquider quarante-cinq Juifs et
trente otages. Apparemment, il avait donc été abattu par la DCA soviétique,
s’était posé en catastrophe, était resté caché pendant deux jours et deux
nuits, et avait finalement rejoint à pied les lignes allemandes. Crasseux et
hirsute lorsqu’il rentra chez lui, il était aussi,

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