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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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remonter à la surface en grattant la terre sous laquelle ils étaient
ensevelis (mais ces cas sont restés miraculeux). Plusieurs témoins ont décrit
le spectacle de ces corps entassés les uns sur les autres, masse grouillante d’où
s’échappaient les cris et les gémissements des agonisants. Les tranchées
étaient ensuite rebouchées. Au total, avec cette méthode primaire, les
Einsatzgruppen ont liquidé environ un million et demi de personnes, Juifs ou
autres, mais Juifs très majoritairement.
    Heydrich a assisté, en
compagnie tantôt d’Himmler, tantôt d’Eichmann, tantôt de Müller, à plusieurs de
ces exécutions. Lors de l’une d’elles, une jeune femme lui a tendu son bébé
pour qu’il le sauve. La mère et l’enfant ont été abattus juste devant lui.
Heydrich, plus hermétique qu’Himmler à aucune forme de sensiblerie, ne s’est
pas évanoui. Mais, tout de même impressionné par la cruauté de la scène, s’est
interrogé sur la pertinence d’un tel mode d’exécution. Et comme Himmler, il
s’est inquiété de l’effet désastreux sur le moral et les nerfs de ses valeureux
SS. Ce disant, il a mis la main à sa gourde et a avalé une rasade de slivovice.
La slivovice est une eau-de-vie tchèque faite à base de prune, c’est très fort,
et de l’avis de nombreux Tchèques, pas très bon. Gros buveur, Heydrich a dû y
prendre goût depuis son installation à Prague.
    Il aura mis tout de même un
certain temps avant d’arriver à cette conclusion que ses Einsatzgruppen ne
constituaient pas forcément la solution idéale pour régler la question juive.
Lorsque, dès juillet 1941, il a effectué sa première inspection avec
Himmler, à Minsk déjà, où les deux hommes se sont rendus par le train spécial
du Reichsführer, Heydrich, tout comme son chef, n’a rien trouvé à redire à la
tuerie à laquelle il a assisté. Ils auront eu besoin de plusieurs mois pour
comprendre l’un et l’autre qu’un tel procédé faisait entrer le nazisme et
l’Allemagne dans une sphère de barbarie qui risquait d’attirer au III e Reich la condamnation des générations futures. Il fallait faire quelque chose
pour remédier à cela. Mais le processus de tuerie était si engagé que le seul
remède qu’ils trouvèrent fut Auschwitz.
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    Etonnamment, pendant cette
sombre, cette horrible période, le nombre des mariages tchèques ne cesse d’augmenter.
En fait, il y a une raison à cela. Le Service du Travail obligatoire ne
concerne encore, au début 1942, que les célibataires. Du coup, on relève une
augmentation significative de citoyens tchèques qui se marient à la hâte. Mais
cela, évidemment, n’échappe pas à l’œil inquisiteur des services d’Heydrich. Il
est donc décidé que le STO tchèque s’étende à tous les citoyens tchèques mâles
sans restriction. Et ce sont des dizaines de milliers de travailleurs tchèques,
mariés ou célibataires, qui sont envoyés de force aux quatre coins du Reich
pour servir de main-d’œuvre partout où il y en a besoin, c’est-à-dire partout,
puisque la Wehrmacht avale les travailleurs allemands par millions. Ils y
croisent des Polonais, des Belges, des Danois, des Hollandais, des Norvégiens,
des Français, etc.
    Cette politique n’est
d’ailleurs pas sans effets secondaires. Dans l’un des nombreux rapports du RSHA
qui atterrissent invariablement sur le bureau d’Heydrich, on peut lire :
    « De divers endroits dans
le Reich, où des millions de travailleurs étrangers sont employés, nous
entendons parler de cas de relations sexuelles avec des femmes allemandes. Le
danger d’affaiblissement biologique est en augmentation constante. Le nombre de
plaintes concernant des jeunes femmes de sang allemand recherchant des
travailleurs tchèques en vue de relations sentimentales continue de se
multiplier. »
    Je suppose qu’Heydrich, à la
lecture de ce rapport, fait la moue. Baiser des étrangères ne l’a jamais
dérangé, lui. Mais que des femmes aryennes en chaleur cherchent à s’accoupler
avec des métèques, voilà qui le dégoûte sûrement, et c’est une raison
supplémentaire de mépriser les femmes en général. Il est certain, cependant,
que Lina ne pourrait jamais faire une chose pareille, même pour se venger de ses
infidélités : Lina est une vraie Allemande, de sang pur, de sang noble,
qui préférerait se tuer plutôt que de coucher avec un Juif, un nègre, un Slave,
un Arabe ou toute autre race inférieure. Pas

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