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comme ces truies sans conscience,
qui ne méritent pas d’être allemandes. Il te les foutrait toutes au bordel, et
plus vite que ça, ou dans ces élevages d’Aryens, ces haras où de jeunes blondes
attendent de s’accoupler avec des étalons SS. Il ferait beau voir qu’elles se
plaignent.
Je me demande comment les nazis
accommodaient leur doctrine avec la beauté des Slaves : non seulement on
trouve en Europe de l’Est les plus belles femmes du continent, mais en plus
elles sont souvent blondes aux yeux bleus. D’ailleurs, lorsque Göbbels a eu sa
liaison avec Lida Baarová, splendide actrice tchèque, il ne semble pas trop
s’être posé de questions sur la pureté de la race. Mais sans doute pensait-il
que sa beauté fatale la rendait apte à la germanisation. Quand on songe au
physique dégénéré de la plupart des dignitaires nazis – et Göbbels
avec son pied bot en est l’un des plus beaux spécimens –, on ne peut que
rire en songeant à cette crainte d’« affaiblissement de la race » qui
les travaillait tant. Mais pour Heydrich, évidemment, c’est différent. Lui
n’est pas un petit nabot brun, et son physique porte haut l’étendard de la
germanité. Y croyait-il ? Je pense que oui. On croit toujours très
facilement ce qui nous flatte et nous arrange. Je repense à cette phrase de
Paul Newman : « Si je n’avais pas eu les yeux bleus, je n’aurais
jamais fait une telle carrière. » Je me demande si Heydrich pensait la
même chose.
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Une fois de plus, je suis tombé
par hasard sur une fiction relative à Heydrich. Cette fois-ci, il s’agit d’un
téléfilm, Le Crépuscule des aigles, tiré d’un roman, Fatherland ,
de Robert Harris. Le personnage principal est joué par Rutger Hauer, l’acteur
hollandais consacré par son rôle immortel de répliquant dans Blade Runner ,
de Ridley Scott. Ici, il joue le rôle d’un commandant SS qui sert dans la
police criminelle (la Kripo).
L’histoire se déroule dans les
années 1960. Le Führer règne toujours sur l’Allemagne. Berlin a été reconstruit
selon les plans d’Albert Speer et ressemble à une cité qui mélange les styles
baroque, Art nouveau, mussolinien et franchement futuriste. La guerre continue
avec la Russie mais tout le reste de l’Europe est sous la domination du III e Reich. Cependant, l’époque est au dégel des relations avec les Etats-Unis.
Kennedy doit rencontrer Hitler dans les jours qui viennent pour signer un
accord historique. Dans cette fiction, c’est le père, Joseph Patrick, et non le
fils, John Fitzgerald, qui a été élu président. Or, le père de JFK n’a jamais
caché ses sympathies nazies. Le récit repose donc sur le principe du :
« Et si… ? » Il bâtit une histoire alternative à partir d’une
hypothèse, ici celle de la pérennité du régime hitlérien. On appelle ça une
uchronie.
En l’occurrence, celle-ci prend
la forme d’une intrigue policière : de hauts dignitaires nazis se font
mystérieusement assassiner. Avec l’aide d’une journaliste américaine, venue
couvrir la visite de Kennedy, l’inspecteur SS joué par Rutger Hauer découvre le
lien entre tous ces meurtres : Bühler, Stuckart, Luther, Neumann, Lange…
tous ont participé à une mystérieuse réunion tenue vingt ans plus tôt, en
janvier 1942, organisée à Wannsee par Heydrich en personne. Heydrich, dans
les années 1960, est devenu ministre, Reichsmarchall à la place de Göring, et
plus ou moins le numéro deux du régime. Hitler, pour ne pas compromettre
l’accord qu’il doit signer avec Kennedy, entend faire définitivement
disparaître tous ceux qui ont participé à la réunion, afin que son ordre du
jour ne soit jamais révélé. C’est là, en effet, le 20 janvier 1942, que la
Solution finale a été officiellement entérinée par tous les ministères
concernés de près ou de loin. C’est là, sous l’égide d’Heydrich, assisté de son
fidèle adjoint Eichmann, qu’a été planifiée l’extermination par gazage de onze
millions de Juifs.
L’un des participants, Franz
Luther, à l’époque représentant de Ribbentrop pour les Affaires étrangères, ne
veut pas mourir. Il possède des preuves irréfutables du génocide des Juifs et
entend les monnayer aux Américains en échange de l’asile politique. Le monde
entier, en effet, vit dans l’ignorance du génocide : officiellement, les
Juifs européens ont bien été déportés, mais ils ont été réinstallés en
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