Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
Vom Netzwerk:
que le nazisme, bien plus qu’un parti, était un
mouvement qui devait toujours aller de l’avant, sans jamais s’arrêter.
Confrontée à une tâche qui n’avait jamais eu de précédent, la bureaucratie
allemande ne savait que faire : c’est là que se situe le rôle d’Hitler. Il
fallait que quelqu’un, au sommet, donnât un feu vert à des bureaucrates
conservateurs par nature. »
    L’un des arguments majeurs des
intentionnalistes est cette phrase d’Hitler, tenue dans un discours public, en
janvier 1939 : « Si la finance juive internationale en Europe et
hors d’Europe réussit à nouveau à précipiter les peuples dans une guerre
mondiale, le résultat n’en sera pas la bolchevisation de la terre et la
victoire du judaïsme, mais bien l’extermination de la race juive en
Europe. » Inversement, l’indice le plus révélateur qui tendrait à donner
raison aux fonctionnalistes est que pendant longtemps les nazis ont réellement
cherché des territoires pour y déporter les Juifs : Madagascar, l’océan
Arctique, la Sibérie, la Palestine – Eichmann a même rencontré, à
plusieurs reprises, des militants sionistes. Mais ce sont les aléas de la
guerre qui leur auraient fait abandonner tous ces projets. Le transport des
Juifs à Madagascar, notamment, ne pouvait être envisagé tant que le contrôle
des mers n’était pas assuré, c’est-à-dire tant que la guerre avec la
Grande-Bretagne se prolongeait. Et c’est la tournure de la guerre à l’Est qui
aurait précipité la recherche de solutions radicales. Même s’ils ne l’avouaient
pas, les nazis savaient que leurs conquêtes à l’Est étaient précaires, et la
formidable résistance soviétique pouvait laisser craindre, non pas le pire, car
personne en 1942 n’imaginait l’Armée rouge pénétrer en Allemagne pour aller
jusqu’à Berlin, mais au moins la perte des territoires occupés. Il fallait donc
faire vite. Et c’est ainsi que, de fil en aiguille, la question juive a pris
une dimension industrielle.
162
    Un train de marchandises
s’immobilise dans un crissement interminable. Sur le quai, il y a une longue
rampe. Dans le ciel, on entend le croassement des corbeaux. Au bout de la
rampe, il y a une grande grille, avec une inscription en allemand sur le
fronton. Derrière elle, un bâtiment en pierre brune. La grille s’ouvre. On
entre à Auschwitz.
163
    Ce matin, Heydrich reçoit une
lettre d’Himmler indigné, à propos de quelque cinq cents jeunes Allemands
arrêtés par la police de Hambourg parce qu’ils s’étaient adonnés au swing, cette danse étrangère dégénérée pratiquée en écoutant de la musique de
nègre :
    « Je m’élève contre toute
demi-mesure en la matière. Tous les meneurs sont à expédier en camp de
concentration. Cette jeunesse y recevra d’abord une bonne raclée. Le séjour en
camp sera assez long, deux ou trois ans. Il doit être clair qu’ils n’auront
plus le droit d’étudier. C’est seulement par une action brutale que nous pourrons
éviter une dangereuse propagation de ces tendances anglophiles. »
    Heydrich en fera effectivement
déporter une cinquantaine. Ce n’est pas parce que le Führer lui a confié la
tâche historique de faire disparaître jusqu’au dernier Juif d’Europe qu’il doit
négliger les petits dossiers.
164
    Journal de Göbbels,
21 janvier 1942 :
    « Heydrich a finalement
nommé le nouveau gouvernement du Protectorat. Hacha a remis la déclaration de
solidarité avec le Reich qu’Heydrich demandait. La politique qu’Heydrich a menée
dans le Protectorat peut vraiment être considérée comme un modèle. Il a
facilement apaisé la crise qui s’était installée et en conséquence, le
Protectorat se trouve maintenant dans un bien meilleur état, au contraire des
autres territoires occupés ou satellites. »
165
    Comme tous les jours, Hitler
s’abandonne à d’interminables soliloques, et livre en fulminant ses analyses
politiques à un auditoire servile et silencieux. Au détour de sa logorrhée, il
aborde la situation du Protectorat :
    « Neurath s’est fait
complètement rouler par les Tchèques ! Encore six mois de ce régime et la
production aurait chuté de 25 % ! De tous les Slaves, le Tchèque est
le plus dangereux, parce que c’est un ouvrier. Il a le sens de la discipline,
il est méthodique, il sait comment dissimuler ses intentions. Maintenant ils
vont travailler car ils savent que nous sommes violents et sans

Weitere Kostenlose Bücher