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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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merci. »
    C’est sa façon à lui de dire
qu’il est très satisfait du travail d’Heydrich.
166
    Peu de temps après, Hitler
reçoit Heydrich à Berlin. Heydrich se retrouve donc en présence d’Hitler, ou
bien est-ce l’inverse. Hitler pérore : « Nous réparerons le gâchis
tchèque si nous suivons une politique cohérente avec eux. Une grande partie des
Tchèques sont d’origine germanique et il n’est pas impossible de les
regermaniser. » Ce discours est encore une façon d’encourager le travail
du collaborateur qui lui inspire le plus de respect, avec Speer, sans doute,
mais dans des genres très différents.
    Avec Speer, il peut parler
d’autre chose que de politique, de guerre, de Juifs. Il peut discuter de
musique, de peinture, de littérature, et puis donner corps à Germania, le futur
Berlin dont ils ont dessiné les plans ensemble et que son génial architecte a
charge de faire sortir de terre. Speer, pour Hitler, est un bol d’air. Il est
son divertissement, sa fenêtre donnant sur un monde extérieur au labyrinthe
national-socialiste qu’il a créé et dans lequel il vit enfermé. Certes, Speer
est encarté et entièrement dévoué à la cause. D’ailleurs, il met toute son
intelligence et son talent à réorganiser la production depuis qu’il a été
nommé, en sus de son titre d’architecte officiel, ministre de l’Armement. Sa
loyauté, son efficacité, sont au-dessus de tout soupçon. Mais ce n’est pas pour
ça qu’Hitler le préfère. En matière de loyauté, c’est Himmler, son fidèle
Heinrich, comme il l’appelle, qui lui semble imbattable. Et en matière
d’efficacité aussi d’ailleurs, sans doute… Mais Speer a tellement plus de
classe, tellement plus d’allure dans ses costumes si bien coupés, tellement
plus d’aisance dans toutes les situations. C’est pourtant l’un de ces
intellectuels qu’Hitler, l’artiste raté, l’ancien clochard de Munich, devrait
abhorrer. Mais manifestement, Speer lui donne ce que personne d’autre ne lui a
donné : l’amitié et l’admiration d’un homme brillant dont l’aisance
sociale lui vaut d’être reconnu comme tel dans tous les milieux.
    Evidemment, les raisons pour
lesquelles Hitler aime Heydrich sont très différentes, voire opposées. Autant
Speer incarne l’élite du monde « normal » auquel Hitler n’a jamais pu
appartenir, autant Heydrich est le prototype du nazi parfait : grand,
blond, cruel, totalement obéissant et d’une efficacité mortelle. L’ironie du
sort veut qu’il ait du sang juif, d’après Himmler. Mais la violence manifeste avec
laquelle il combat et triomphe de cette part corrompue de lui-même prouve, aux
yeux d’Hitler, la supériorité de l’essence aryenne sur la juive. Et si Hitler
le croit vraiment d’origine juive, il n’en est que plus savoureux pour lui d’en
faire l’ange exterminateur du peuple d’Israël en lui confiant la responsabilité
de la Solution finale.
167
    Je connais bien ces
images : Himmler et Heydrich, en tenues civiles, devisant avec le Führer,
sur la terrasse de son nid d’aigle, le Berghof, gigantesque bunker de luxe
flanqué au sommet des Alpes bavaroises. Mais j’ignorais qu’elles avaient été
filmées par la maîtresse d’Hitler en personne. Je l’apprends à l’occasion d’une
soirée « Eva Braun » organisée par une chaîne du câble. Pour moi,
c’est un peu la fête. J’aime pénétrer autant que faire se peut dans l’intimité
de mes personnages. Je revois donc avec plaisir ces images d’Heydrich reçu par
Hitler, ce grand blond au nez busqué, dominant d’une tête tous ses
interlocuteurs, souriant et détendu, dans son costume beige aux manches trop
courtes. Mais il n’y a pas le son, et ceci, évidemment, est très frustrant. Or,
les réalisateurs du documentaire sur Eva Braun ont vraiment bien fait les
choses : ils ont demandé à des spécialistes de lire sur les lèvres. Et
voici donc ce qu’Himmler confie à Heydrich, devant la rambarde de pierre qui
surplombe la vallée ensoleillée : « Rien ne doit nous dévier de notre
tâche. » D’accord. Je vois qu’ils avaient de la suite dans les idées. Je
suis un peu déçu, et content à la fois. C’est mieux que rien, quand même. Et
puis, qu’est-ce que j’espérais ? Il n’allait pas lui dire :
« Vous savez, Heydrich, je crois que ce petit Lee Harvey Oswald fera une
très bonne recrue. »
168
    Malgré le poids grandissant de
ses énormes

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