Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
Vom Netzwerk:
il est sûr. Demande à voir sa collection de clés, ça le mettra en
confiance. Le mot de passe, c’est « Jan ».
    — La tante m’a dit ça,
mais… « Jan », comme Jan ?
    — Non, ici, il s’appelle
Ota, c’est juste un hasard.
    — Ah bon, d’accord.
    Cette scène n’est pas forcément
très utile, et en plus je l’ai pratiquement inventée, je ne crois pas que je
vais la garder.
178
    Avec l’arrivée de Valičík
à Prague, il y a une dizaine de parachutistes qui rôdent maintenant dans la
ville. Chacun, en théorie, poursuit la mission pour laquelle son groupe a été
envoyé. Dans un but de cloisonnement, il est souhaitable que les groupes
communiquent le moins possible entre eux, afin que si l’un tombe, il n’entraîne
pas les autres avec lui. Dans la pratique, c’est presque impossible. Le nombre
d’adresses où les parachutistes peuvent trouver asile est limité, alors même
que la prudence leur impose de déménager le plus souvent possible. De fait,
lorsqu’un groupe ou un parachutiste quitte une adresse, un autre prend sa
place, et tous les membres de tous les groupes se croisent plus ou moins
régulièrement.
    Dans l’appartement des Moravec,
notamment, défile à peu près tout ce que Prague compte de parachutistes. Le
père ne pose pas de questions ; la mère, qu’ils appellent affectueusement
« la tante », leur fait des gâteaux ; le fils, Ata, se pâme
d’admiration pour ces hommes mystérieux qui cachent des pistolets dans leurs
manches.
    Il résulte de ce ballet que
Valičík, originellement rattaché à « Silver A », se rapproche
rapidement d’« Anthropoïde ». Bientôt, il aide Gabčík et Kubiš à
effectuer leurs repérages.
    Il résulte aussi que Karel
Čurda, du groupe « Out Distance », rencontre à peu près tout le
monde : les parachutistes et ceux qui les hébergent – autant de
noms à donner, autant d’adresses à indiquer.
179
    « J’adore Kundera, il
n’empêche que j’aime moins le seul de ses romans qui se passe à Paris. Parce
qu’il n’est pas vraiment dans son élément. Comme s’il avait une très belle
veste, mais qu’elle était soit une demi-taille trop grande, soit une
demi-taille trop petite pour lui (rires). Moi, j’y crois quand Milos et Pavel
marchent dans Prague. »
    Voilà ce que dit Marjane
Satrapi, dans une interview donnée aux Inrocks pour la sortie de son
très beau film, Persepolis . En lisant ça, je me sens vaguement inquiet.
La jeune femme chez qui je feuillette le magazine et à qui je fais part de
cette inquiétude me rassure : « Oui, mais toi, tu es allé à Prague,
tu as vécu là-bas, tu aimes cette ville. » Oui, mais, pour Kundera, c’est
la même chose avec Paris. D’ailleurs, ajoute Marjane Satrapi : « Même
si je vivais encore vingt ans en France, je n’ai pas grandi ici. Il y aura
toujours un petit fond de l’Iran dans mon œuvre. Evidemment, j’aime Rimbaud,
mais Omar Khayam (savant et poète persan du XII e  siècle, ndlr)
me parlera toujours plus. » C’est bizarre, je ne m’étais jamais posé le
problème dans ces termes. Est-ce que Desnos me parle plus que Nezval ? Je
ne sais pas. Je ne pense pas que Flaubert, Camus ou Aragon, me parlent plus que
Kafka, Hašek ou Holan. Ni d’ailleurs que García Márquez, Hemingway ou Anatoli
Rybakov. Est-ce que Marjane Satrapi sentira que je n’ai pas grandi à
Prague ? Est-ce que, lorsque la Mercedes surgira du virage, elle n’y
croira pas ? Elle dit encore : « Lubitsch a beau être devenu un
cinéaste hollywoodien, il a toujours réinventé, refantasmé l’Europe, une Europe
de Juif d’Europe de l’Est. Même quand ses films se déroulent aux Etats-Unis,
pour moi ça se passe à Vienne ou à Budapest. Et c’est tant mieux. » Mais
alors aurait-elle l’impression que mon récit se déroule à Paris, où je suis né,
et non à Prague, vers où tout mon être pourtant aspire ? Aura-t-elle des
images de la banlieue parisienne qui lui traverseront l’esprit quand je
conduirai la Mercedes jusque dans ce virage d’Holešovice, près du pont de
Troie, dans les faubourgs de Prague ?
    Non, mon histoire commence dans
une ville du nord de l’Allemagne, se poursuit à Kiel, Munich, Berlin, puis se
déplace en Slovaquie orientale, passe très brièvement par la France, continue à
Londres, à Kiev, retourne à Berlin, et va se finir à Prague, Prague,
Prague ! Prague, la ville aux cent tours, ce cœur du monde, l’œil

Weitere Kostenlose Bücher