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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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du
cyclone de mon imaginaire, Prague aux doigts de pluie, rêve baroque d’empereur,
foyer de pierre du Moyen Age, musique de l’âme s’écoulant sous les ponts,
Charles IV l’empereur, Jan Neruda, Mozart et Wenceslas, Jan Hus, Jan
Žižka, Joseph K., Praha s prsty deti , le chem incrusté dans le
front du Golem, le cavalier sans tête de la rue Liliova, l’homme de fer une
fois par siècle attendant d’une jeune fille sa libération, l’épée cachée dans
une pile du pont, et aujourd’hui ces bruits de bottes qui résonnent pour
combien de temps encore. Un an. Peut-être deux. Trois en fait. Je suis à
Prague, pas à Paris, à Prague. Nous sommes en 1942. C’est le début du printemps
et je n’ai pas de veste. « L’exotisme est une chose que je déteste »,
assène encore Marjane. Prague n’a rien d’exotique puisque c’est le cœur du
monde, l’hyper-centre de l’Europe, puisque c’est là que, en ce printemps de
1942, va se jouer l’une des plus grandes scènes de la grande tragédie de
l’univers.
    Bien sûr, contrairement à
Marjane Satrapi, Milan Kundera, Jan Kubiš et Jozef Gabčík, je ne suis pas
un exilé politique. Mais c’est justement pour ça peut-être que je peux parler
d’où je veux sans être toujours ramené à mon point de départ, parce que je n’ai
pas de comptes à rendre ni à régler avec mon pays natal. Je n’ai pas pour Paris
la nostalgie déchirante ou la mélancolie désenchantée des grands exilés. C’est
pourquoi je peux rêver, librement, à Prague.
180
    Valičík aide ses deux
camarades en quête du lieu idéal. Un jour qu’il arpente la ville, il attire
l’attention d’un chien errant. Quelle familiarité ou quelle étrangeté l’animal
décèle-t-il chez cet homme ? Il lui emboîte le pas. Valičík ne tarde
pas à sentir une présence dans son dos. Il se retourne. Le chien s’arrête. Il
repart. Le chien repart avec lui. Ensemble, ils traversent la ville. Lorsque
Valičík rentre chez le concierge des Moravec, où il est hébergé, il l’a
adopté et baptisé : quand le concierge rentre à son tour, il lui présente
Moula. Désormais, ils vont faire leurs repérages ensemble et lorsque
Valičík ne peut pas l’emmener, il supplie le brave concierge de lui
« garder son dragon » (ce devait donc être un gros chien, ou bien un
tout petit, si Valičík s’exprimait par antiphrase). Quand son maître
s’absente, Moula l’attend sagement couché sous la table du salon, sans bouger
pendant des heures. De fait, l’animal n’aura sans doute pas un rôle décisif
dans l’opération « Anthropoïde », mais je préfère rapporter un détail
inutile plutôt que prendre le risque de passer à côté d’un détail essentiel.
181
    Speer revient à Prague, mais cette
fois, moins en grande pompe que lors de sa précédente visite. Il s’agit
toujours, je suppose, de discuter main-d’œuvre, entre le ministre de l’Armement
et le protecteur de l’un des plus grands pôles industriels du Reich. Au
printemps 1942, plus encore qu’en décembre 1941, alors que des millions
d’hommes se battent sur le front de l’Est, alors que les chars soviétiques
continuent de supplanter ceux des Allemands, alors que l’aviation soviétique
relève la tête et que les bombardiers anglais survolent et frappent de plus en
plus fréquemment les villes allemandes, la question est vitale. Il faut
toujours plus d’ouvriers pour produire plus de tanks, plus d’avions, plus de
canons, plus de fusils, plus de grenades, plus de sous-marins, et ces armes
nouvelles qui doivent permettre au Reich de remporter la victoire.
    Cette fois-ci, Speer est
dispensé de visite de la ville et de cortège officiel. Il est venu seul, sans
sa femme, pour une réunion de travail avec Heydrich. Ni l’un ni l’autre n’ont
le temps pour les mondanités. Speer, dont l’efficacité dans son domaine est
reconnue à l’égal de celle d’Heydrich dans le sien, s’en félicite sûrement.
Cependant il ne peut s’empêcher de remarquer que non seulement Heydrich, cette
fois-ci, se déplace sans escorte, mais qu’il parcourt tranquillement les rues
de Prague dans une voiture découverte, non blindée, sans autre garde du corps
que son chauffeur. Il s’en inquiète auprès d’Heydrich, qui lui répond :
« Pourquoi voulez-vous que mes Tchèques me tirent dessus ? »
Heydrich n’a sans doute pas lu ce qu’écrivait le Juif Joseph Roth, écrivain
viennois réfugié à Paris

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