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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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aussi en tant que chef du
SD, puisqu’il démasque un super-espion et que cet espion est un officier de
l’Abwehr, le service concurrent de son rival et ancien mentor Canaris. Ce n’est
pas la première ni la dernière mauvaise journée que l’Histoire traversera, mais
ce 20 mars 1942 n’est définitivement pas à marquer d’une pierre blanche
dans la guerre secrète que les Alliés livrent aux Allemands.
183
    À Londres, on s’impatiente.
Voilà cinq mois qu’« Anthropoïde » a été parachuté et depuis,
quasiment aucune nouvelle. Londres sait pourtant que Gabčík et Kubiš sont
encore en vie, et opérationnels. « Libuše », nom de code du seul
émetteur clandestin alors en activité, transmet ce genre de renseignements,
quand il en a. Par son intermédiaire, Londres décide donc d’assigner une
nouvelle mission aux deux agents. De tout temps, les employeurs sont obsédés
par le rendement de leurs employés. Cette mission n’annule pas la précédente,
mais elle se rajoute à elle. Et de fait, la suspend. Gabčík et Kubiš sont
furieux. Ils doivent aller à Pilsen, participer à une opération de sabotage.
    Pilsen est une grande ville
industrielle située à l’ouest du pays, assez proche de la frontière allemande,
renommée pour sa bière, la fameuse Pilsner Urquell. Ce n’est pas pour sa bière,
cependant, que Pilsen intéresse Londres, mais pour ses usines Škoda. En effet,
Škoda, en 1942, ne produit pas des voitures, mais des canons. Un raid aérien
est programmé dans la nuit du 25 au 26 avril. Il s’agit pour les
parachutistes d’allumer des feux de signalisation aux quatre coins du complexe
industriel pour permettre aux bombardiers anglais de repérer leur cible.
    Plusieurs parachutistes, au
moins quatre, se rendent donc à Pilsen, séparément, en vue de l’opération. Ils
se rejoignent en ville, à un point de rendez-vous convenu à l’avance (le
restaurant Tivoli, je me demande s’il existe encore) et, la nuit venue, mettent
le feu à une étable et à une meule de paille, à proximité de l’usine.
    Quand les bombardiers arrivent,
ils n’ont plus qu’à larguer leurs bombes entre les deux points lumineux. Mais
ils balancent tout à côté. La mission est un échec total, bien que les
parachutistes aient parfaitement accompli ce qui leur était demandé.
    Cependant, Kubiš fait la
connaissance, durant son bref séjour à Pilsen, d’une jeune vendeuse, membre de
la Résistance, qui aide le groupe à remplir sa mission. Où qu’il soit passé,
avec sa belle gueule d’acteur américain qui pourrait être le jeune fils de Cary
Grant et Tony Curtis s’ils avaient eu un enfant ensemble, Kubiš a toujours eu
beaucoup de succès. Au moins, si l’opération est un échec cuisant, lui n’aura
pas perdu son temps. Deux semaines plus tard, soit deux semaines avant
l’attentat, il écrira une lettre à cette jeune femme, Marie Žilanová. Une
imprudence de plus, sans conséquence. J’aurais bien aimé connaître le contenu
de la lettre, j’aurais dû la recopier en tchèque quand je l’ai eue sous les
yeux.
    À leur retour à Prague, les
parachutistes sont très énervés. On leur a fait courir beaucoup de dangers, au
risque de compromettre leur mission principale, leur mission historique, tout
ça pour quelques canons. Ils font envoyer à Londres un message aigre où ils
demandent que, la prochaine fois, on leur envoie des pilotes qui connaissent la
région.
    À vrai dire, dans cette mission
parenthèse de Pilsen, je ne suis même pas certain que Gabčík ait été
présent. Je sais juste qu’il y avait Kubiš, Valičík, et Čurda.
    Or, je m’avise que, à
l’exception d’une elliptique allusion au chapitre 178, je n’ai pas encore parlé
de Karel Čurda, qui a pourtant, historiquement et dramaturgiquement, un
rôle essentiel.
184
    Dans toute bonne histoire, il
faut un traître. Et dans la mienne, il y en a un. Il s’appelle Karel
Čurda. Il a 30 ans et je ne sais pas, d’après les photos dont je
dispose, si la trahison peut se lire sur son visage. C’est un parachutiste
tchèque dont le parcours ressemble à s’y méprendre à ceux de Gabčík, Kubiš
ou Valičík. Engagé dans l’armée puis démobilisé après l’occupation
allemande, il quitte le pays par la Pologne et rejoint la France où il s’engage
dans la Légion étrangère puis intègre l’Armée tchécoslovaque en exil, et passe
en Angleterre après la défaite de la France. À la différence

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