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rendre. Cela rend plus malaisées les
recherches des organismes de sécurité allemande. La plus grande difficulté ici
est de trouver du travail. Personne n’accepte d’embaucher quelqu’un qui ne
possède pas un livret de travail. Celui qui en est titulaire est placé par le
Bureau du Travail. Le danger du travail obligatoire s’accroît beaucoup au
printemps et on ne peut donc pas faire engager un plus grand nombre de
clandestins sans augmenter le risque de découverte du système entier. C’est
pourquoi j’estime plus avantageux d’utiliser au maximum ceux qui sont ici et de
limiter au minimum indispensable l’arrivée de nouveaux hommes. Signé
Ice. »
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Journal de Göbbels,
26 février 1942 :
« Heydrich me remet un
rapport très détaillé sur la situation dans le Protectorat. Elle n’a pas
vraiment changé. Mais ce qu’il en ressort très clairement est que la tactique
d’Heydrich est la bonne. Il se comporte avec les ministres tchèques comme s’ils
étaient ses sujets. Hacha se met complètement au service de la nouvelle
politique d’Heydrich. En ce qui concerne le Protectorat, en ce moment, il ne
faut pas s’en faire. »
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Heydrich n’oublie pas la
culture. En mars, il organise le plus grand événement culturel de son
règne : une exposition, intitulée « Das Sowjet Paradies » ,
qu’il fait inaugurer en grande pompe par l’immonde Frank, en présence du vieux
président Hácha et de son infâme ministre collabo, Emanuel Moravec.
Je ne sais pas exactement à
quoi ressemble l’exposition mais l’idée est de montrer que l’URSS est un pays
barbare et sous-développé aux conditions de vie absolument déplorables, tout en
soulignant, évidemment, le caractère intrinsèquement pervers du bolchevisme.
C’est aussi l’occasion d’exalter les victoires allemandes sur le front de
l’Est, en exhibant comme des trophées des tanks et du matériel militaire pris
aux Russes.
L’exposition dure quatre
semaines, elle attire un demi-million de visiteurs, dont Gabčík et Kubiš.
C’est sans doute la première et la seule fois que ces deux-là verront un char
soviétique.
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Au début, ça m’avait semblé une
histoire simple à raconter. Deux hommes doivent en tuer un troisième. Ils y
parviennent, ou non, et c’est fini, ou presque. Tous les autres, pensais-je,
étaient des fantômes qui allaient glisser élégamment sur la tapisserie de
l’Histoire. Les fantômes, il faut s’en occuper, et cela demande beaucoup de
soin mais cela, je le savais. En revanche, j’ignorais, et j’aurais dû m’en
douter pourtant, qu’un fantôme n’aspire qu’à une seule chose : revivre. Et
moi, je ne demande pas mieux, mais je suis tenu par les impératifs de mon
histoire, je ne peux pas laisser toute la place que je voudrais à cette armée
des ombres qui grossit sans cesse et qui, pour se venger peut-être du peu de
soin que je lui accorde, me hante.
Mais ce n’est pas tout.
Pardubice est une ville située
en Bohême de l’Est, traversée par l’Elbe. D’une population d’environ
90 000 habitants, elle présente une jolie place centrale et de beaux
bâtiments style Renaissance. C’est d’ici qu’est natif Dominik Hašek, le
mythique gardien, l’un des plus grands joueurs de hockey sur glace de tous les
temps.
Il y a un hôtel-restaurant,
assez chic, qui s’appelle Vaselka. Comme tous les soirs, il est rempli
d’Allemands. Des hommes de la Gestapo sont bruyamment attablés. Ils ont bien
mangé et bien bu. Ils appellent le serveur. Celui-ci s’approche, impeccable et
obséquieux. Je vois qu’ils veulent du brandy. Le serveur prend la commande.
L’un des Allemands porte une cigarette à ses lèvres. Le serveur sort alors un
briquet de sa poche, l’allume et, en effectuant une légère courbette, offre du
feu à l’Allemand.
Ce serveur est très beau. Il a
été engagé très récemment. Jeune, souriant, les yeux clairs, le regard franc,
les traits fins dessinant un visage massif. Ici, à Pardubice, il répond au nom
de Mirek Šolc. Il n’y a rien, a priori , qui semble justifier qu’on
s’intéresse à ce serveur, sauf que la Gestapo, elle, s’y intéresse.
Un beau matin, en effet, elle
convoque le patron de l’hôtel. On veut avoir des renseignements sur Mirek
Šolc : d’où il vient, qui il fréquente, s’il s’absente et pour aller où.
Le patron répond que Šolc vient d’Ostrava, où son père tient un hôtel. Les
policiers décrochent leur
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