Hiéroglyphes

à nouveau :
    Quand
le ciel resplendit des éclairs du soleil
    Et
qu’avec ses plumes l’ange montre la volonté de
Dieu
    Quand
le désert, buvant dans la coquille spiralée de
l’escargot,
    Absorbe
goulûment l’eau de ses lèvres sèches
    Alors
la lumière éclatante révèle enfin une
certaine partie
    Inconnue
jusque-là, étrangère à notre estimation,
    Errante,
Vérité divine évidente qui l’attendait
    Lui,
l’être fou de fleurs, également confiant en la
foi.
    Que
pouvait signifier ce charabia ? Le monde éviterait bien
des malentendus si chacun s’exprimait simplement, mais ce n’est
pas une habitude tellement répandue ! Et, cependant, un
détail de cette phraséologie me rappelait quelque chose
que je n’avais jamais partagé ni avec Astiza ni avec
Silano. J’éprouvais de curieux picotements au niveau du
front.
    « Nous
devons nous rendre à un endroit spécial de la Cité
des Fantômes, résuma Silano. Capter la foudre comme l’a
fait votre mentor Ben Franklin à Philadelphie. Consulter les
séraphins et voir quel endroit précis ils indiquent.
    —  Un
endroit où ça ?
    —  Bâtiment
ou caverne, je ne sais pas encore. Cette œuvre nous guidera.
    —  Le
désert qui boit dans une coquille d’escargot ?
    —  La
pluie de l’orage. Une allusion à quelque vase sacré,
je pense. »
    Ou à
quoi que ce soit d’autre ?
    « Et
les fleurs et la foi ?
    —  Une
référence aux Templiers eux-mêmes et à
l’ordre de la Rose-Croix. Les théories sur l’origine
de la Rose-Croix varient, mais l’une d’elles veut que le
sage d’Alexandrie Ormus fut converti au christianisme par
l’apôtre Marc en 46 avant Jésus-Christ et que ses
enseignements, avec ceux de l’Égypte ancienne, créèrent
une foi gnostique tournée vers la connaissance. »
    Il
me regardait intensément pour s’assurer que
j’établissais bien le rapport avec le Livre de Thot.
    « Les
croyances évoluent au cours de l’histoire, mais le
symbole de la croix et de la rose est très ancien. Il
représente la vie et la mort, ou l’espoir et le
désespoir. La résurrection, si vous préférez.
    —  Ainsi
que le mâle et la femelle, précisa Astiza. La croix
phallique et la rose ionique.
    —  Fleur
et foi, répéta Silano, symbolisent aussi le caractère
requis pour parvenir au secret.
    —  Une
femme ?
    —  Peut-être,
ce qui est une excellente raison pour en emmener une. »
    Je
décidai de remettre à plus tard mes nombreuses
incertitudes.
    « Vous
voudriez donc attirer la foudre sur mes séraphins et voir ce
qui se passe ?
    —  D’après
les documents évoqués, c’est tout à fait
ça.
    —  Il
faudra donc une tige de métal ou plutôt deux, puisque
nous avons deux séraphins. Beaucoup de métal, en effet,
pour mettre la foudre en terre.
    —  C’est
pourquoi nos poteaux de tente seront métalliques, pour y
monter vos séraphins. Vous avez besoin de nous pour trouver la
cité, et nous avons besoin de vous pour y trouver la cachette
du livre.
    —  Et
ensuite ? On le coupera en deux ?
    —  Non.
Nous n’aurons pas besoin de Salomon pour régler notre
rivalité. Nous l’utiliserons ensemble, à l’instar
des Anciens, pour le bien de l’humanité.
    —  Ensemble !
    —  Pourquoi
pas, si nous avons les moyens de faire un bien universel ? Si
l’Univers n’est rien de plus qu’un tissu léger,
il peut être modifié, amélioré. C’est
ce que ce livre nous dira certainement de faire. Quand tout est
possible, on peut déplacer la roche, prolonger la vie,
réconcilier les ennemis et soigner toutes les blessures. »
    Ses
yeux lançaient des étincelles. Je désignai sa
hanche.
    « Vous
rendre votre jeunesse.
    —  Exactement.
Dans un monde enfin gouverné par la raison.
    —  Celle
de Bonaparte ? »
    Silano
regarda Najac.
    « Ma
loyauté va au gouvernement qui m’a confié cette
mission. Les généraux et les politiciens ne comprennent
qu’assez peu de chose. Ce sont les savants qui régiront
le Blonde de demain. Les vrais scientifiques. Quand la raison
rejoindra l’occulte, commencera un âge d’or. Les
prêtres ont joué ce rôle en Égypte. Nous
serons les prêtres de l’avenir.
    —  Mais
nous appartenons à deux camps opposés. »
    Son
sourire visait à séduire.
    « Pas
du tout. Toute chose est double. Et nous sommes liés par
Astiza. »
    Quelle
trinité profane ! Mais comment pourrais-je arriver
quelque part sans rester dans la course ? Je regardai