Hiéroglyphes
matin, que les sentiers erratiques qu’il
allait falloir négocier, vaille que vaille, étaient
trop étroits et trop accidentés pour des chevaux de
selle. On les laisserait donc en arrière, sous la garde de
quelques-uns des Arabes de Najac. Très nerveuses, les bêtes
hennissaient et tapaient du sabot, visiblement effrayées par
un chariot apparu au cours de la nuit, endommagé mais
néanmoins bâché. Silano en conclut qu’il
devait transporter de la viande que les animaux sentaient à
distance. Je proposai d’aller voir, mais le soleil se levait,
révélant le début du canyon avec son entrée
en forme d’arche. On y pénétra à pied et,
très vite, le monde cessa d’exister derrière
nous. Plus aucun son perceptible, en dehors du piétinement de
nos pieds dans la terre meuble.
« Les
tempêtes ont recouvert ce qui était jadis une route
caravanière, dit Silano. Les orages sont plus fréquents
à cette époque de l’année. Éclairs
et tonnerre les accompagnent. Les Templiers le savaient et s’en
servaient. C’est ce que nous ferons également ! »
Et
puis, comme je l’ai dit, on atteignit l’autre extrémité
du canyon, et nous restâmes bouche bée. Devant nous,
s’amorçait un autre canyon perpendiculaire au premier et
tout aussi imposant. Mais telle n’était pas la cause de
notre stupéfaction. Juste en face de nous, s’élevait
le monument le plus inattendu. À peine moins impressionnant
que l’immensité des pyramides.
Un
temple. Sculpté à même la roche.
Comment
imaginer plus extraordinaire que cette étrange bâtisse,
rose comme les joues d’une fille, taillée directement
dans cette falaise verticale ? Toute une architecture de piliers
et de coupoles s’élevant plus haut qu’un clocher
de Philadelphie. Sur ses corniches supérieures siégeaient
des aigles gros comme des buffles, et les niches ménagées
entre les piliers abritaient des silhouettes aux ailes d’angelots.
Chérubins ou démons, ce n’étaient pas eux
qui retenaient mon regard, mais la figure centrale debout sur le
portail monumental.
Une
femme aux seins nus mangés par l’érosion, hanches
drapées dans les plis d’une toge romaine, la tête
haute et sur le qui-vive. J’avais déjà vu cette
silhouette dans les lieux sacrés de l’Égypte
ancienne. Elle avait sous son bras une corne d’abondance, et
sur la tête les restes d’une couronne faite d’un
disque solaire entre deux cornes de taureau. Je frémissais
devant cette bizarre répétition d’une rencontre
dont le souvenir me hantait depuis Paris où les Romains
avaient dressé, sur l’emplacement de Notre-Dame, un
temple disparu dédié à la gloire de cette même
déesse.
« Isis !
s’écria Astiza. C’est l’étoile qui va
nous guider jusqu’au livre ! »
Silano
avait le sourire.
« Les
Arabes appellent cet endroit le Khazneh, le trésor. Parce que,
d’après leurs légendes, c’est ici que le
pharaon dissimulait ses richesses.
— Le
livre y serait donc aussi ?
— Non.
Les locaux sont nus et sans profondeur. Mais il n’est sans
doute pas loin. »
Nous
nous rapprochâmes de l’entrée du Khazneh en
clapotant dans le petit ruisseau qui nous en séparait. Le
nouveau canyon s’amorçait à notre droite. Un
large escalier menait à l’entrée du temple
encadrée de colonnes sculptées dans la pierre. On
attendit un instant au sein de la fraîcheur du portique, les
yeux fixés sur la roche rouge, puis on pénétra
dans la petite salle.
Selon
la description de Silano, elle était peu profonde, entre ses
murs aussi nus que l’avaient été ceux de la salle
au sarcophage vide découvert dans la Grande Pyramide. La
falaise avait été creusée juste assez pour
constituer ce local sans autre porte que celle de devant, désert
comme un entrepôt abandonné.
« À
moins qu’il n’y ait davantage, là-dedans, qu’il
n’apparaît au premier regard, comme ses dimensions
mathématiques, à quoi pouvait servir ce placard ? »
Il
semblait trop exigu pour que l’on puisse y vivre, et trop peu
éclairé pour une entrée de temple.
Silano
répondit à ma question par un haussement d’épaules.
« Ce
n’est pas l’utilité qui importait ici. Ce qu’il
faut trouver, maintenant, c’est le lieu du Grand Sacrifice. Si
l’on en juge d’après ce que nous voyons, cet
espace n’a rien de grand.
— Il
est tout de même majestueux, murmura Astiza.
— Illusion,
comme tout le reste ! Seul l’esprit est réel.
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