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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Dietrich
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gambadait au bout d’une
laisse de cuir et une sorte de gros félin dormait sur un
coussin, trop bien nourri, peut-être, pour songer à nous
attaquer. Assis très droit sur d’autres coussins, le
Boucher m’inspira sensiblement la même impression. Celle
d’un homme vieillissant, mais toujours en grande forme
physique. On s’assit, jambes croisées, en face de lui,
sous l’œil attentif de ses gardes soudanais qui nous
observaient comme s’ils nous soupçonnaient de quelque
traîtrise.
    À
soixante-quinze ans, Djezzar avait davantage le comportement et
l’allure d’un prophète virulent que d’un
brave grand-père. Il avait la barbe blanche, le regard acéré,
la bouche crispée, en permanence, dans une expression défiante
confinant à la cruauté. Un pistolet garnissait sa
ceinture, une dague gisait à portée de sa main. Mais
ses yeux n’en trahissaient pas moins les doutes d’un
taureau dressé contre un autre qui avait nom Bonaparte.
    « Pacha,
amorça Smith, c’est l’Américain dont je
vous ai parlé. »
    Il
examina, en détail, les vêtements empruntés à
un marin, mes bottes élimées, mon teint brûlé
par trop de soleil et d’eau de mer, et n’essaya pas de
cacher son scepticisme.
    Ni
sa curiosité.
    « Vous
vous êtes échappé de Jaffa. »
    Un
rappel plus qu’une question.
    « Les
Français devaient me fusiller avec les autres prisonniers. Je
me suis jeté à la mer et j’ai trouvé une
petite caverne sous-marine. Le massacre a été horrible.
    —  Mais
la survie est la marque des hommes remarquables. »
    Lui-même
n’avait-il pas survécu, par force ou par ruse, jusqu’à
cet âge avancé ? Il ajouta :
    « Et
vous nous avez aidés à capturer l’artillerie
ennemie.
    —  Une
partie seulement.
    —  Vous
êtes plein de ressources.
    —  Comme
vous, pacha. Aussi plein de ressources que Napoléon. »
    Il
sourit.
    « Plus
encore, je pense. J’ai tué plus d’hommes et
possédé plus de femmes. Maintenant, c’est
l’affrontement de deux volontés. Un siège !
Allah m’a forcé à employer des infidèles
pour combattre les infidèles. Les chrétiens ne
m’inspirent pas confiance. Toujours entre deux conspirations. »
    Quelle
ingratitude ! Smith lui rafraîchit la mémoire :
    « Maintenant,
pacha, nous conspirons pour sauver votre peau. »
    Il
haussa les épaules et, s’adressant toujours à
moi :
    « Bonaparte
est-il un homme très patient ?
    —  Pas
le moins du monde.
    —  Mais
il est énergique, précisa Phélippeaux, et il
sait parfaitement ce qu’il veut.
    —  Il
attaquera votre ville, dis-je. Bientôt. Même sans ses
canons de gros calibre. Il croit en l’attaque brusquée,
avec des moyens considérables, pour briser la volonté
de l’ennemi. Ses soldats sont valeureux, bien entraînés,
et savent tirer juste. »
    Djezzar
cueillit une datte dans une coupe et la contempla longuement, comme
si c’était la première fois qu’il en voyait
une. Puis il se la jeta dans la bouche et la mâcha lentement,
du seul côté gauche, en supputant à mi-voix :
    « Je
ferais peut-être mieux de me rendre. Ou de m’enfuir. Il
dispose de deux fois plus d’hommes.
    —  Mais
avec les navires de guerre britanniques, vous disposez de deux fois
plus de canons. Il est à des centaines de kilomètres de
sa base égyptienne et à près de quatre mille de
la France.
    —  On
peut donc espérer le vaincre avant qu’il puisse
renforcer son artillerie.
    —  Il
n’a pas assez d’hommes pour tenir le terrain qu’il
conquiert. Ses soldats fatigués ont le mal du pays.
    —  Sans
parler d’autres maux… comme la peste. »
    Je
confirmai :
    « Quelques
cas sont apparus, même en Égypte. Et plus récemment,
paraît-il, à Jaffa. »
    Le
Boucher était un homme avisé, pas quelque débile
ottoman imposé par la Sublime Porte depuis Constantinople. Il
réunissait, en fin stratège, toutes les informations
concernant son ennemi. J’enchaînai :
    « La
faiblesse de Napoléon, pacha, c’est le temps. Pas celui
qu’il fait, celui qui passe. À chaque jour de plus,
Constantinople peut réunir d’autres forces afin de le
cerner. Il ne reçoit aucun renfort, ni en hommes ni en
matériel, alors que la flotte anglaise peut renouveler nos
réserves. Il tente d’accomplir en un jour ce que
d’autres mettent des mois à réaliser, et c’est
sa faiblesse. Il veut conquérir l’Asie avec dix mille
hommes, et nul ne sait mieux que lui que c’est un

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