Hiéroglyphes
bluff.
Lorsque ses ennemis cesseront de le craindre, il cessera d’exister.
Si vous lui résistez…
— Il
se retirera, termina Djezzar. Ce petit homme que personne n’a
encore battu…
— Et
qui va l’être ici même, conclut Smith.
— À
moins qu’il ne trouve quelque chose de plus puissant que
l’artillerie », intervint une voix.
Je
sursautai. Je la connaissais, cette voix. Et qui émergeait de
la pile de coussins où trônait Djezzar, sinon le
banquier défiguré Haïm Farhi en personne ?
Smith et Phélippeaux n’avaient pas bronché. Ce
n’était pas la première fois qu’ils
voyaient ce visage ravagé.
« Farhi !
Qu’est-ce que vous faites à Acre ?
— Il
est là pour servir son maître, dit Djezzar.
— Nous
avons laissé Jérusalem dans un état d’agitation
plutôt inconfortable, monsieur Gage. Sans le livre, il n’y
avait plus aucune raison de s’y attarder.
— Vous
êtes au service du pacha ?
— Mais
naturellement. Vous savez qui a modifié mon apparence.
— Une
faveur que je lui ai faite, gronda le Boucher. Beauté du
visage engendre vanité, et l’orgueil est le plus grand
des péchés. Ses cicatrices l’aident à se
concentrer sur les chiffres et le conduiront au ciel. »
Farhi
s’inclina.
« Toujours
généreux, mon maître.
— Vous
avez pu sortir de Jérusalem !
— De
justesse. Je vous ai plantés sur place parce que mon visage
attire trop l’attention, et parce que je savais que les
recherches n’étaient pas terminées. Que savent
les Français de notre grand secret ?
— Que
la colère des musulmans entrave toute autre exploration des
tunnels. Ils ne savent rien, et m’ont menacé de serpents
venimeux pour tenter d’apprendre ce que je savais. Nous nous
sommes tous retrouvés les mains vides.
— Vides
de quoi ? » jappa Sidney Smith.
Farhi
lui fit face.
« Votre
allié américain n’était pas allé à
Jérusalem uniquement pour vous servir, capitaine.
— Non,
il y recherchait une femme, si ma mémoire est fidèle.
— Et
un trésor convoité par d’autres hommes
désespérés.
— Un
trésor ? »
Pourquoi
Farhi avait-il éprouvé le besoin d’en dire un peu
trop ?
« Pas
de l’argent, déclarai-je, un livre.
— Un
livre de magie, compléta le banquier. Célèbre
depuis des millénaires, et déjà recherché
par les Templiers. Quand vous nous avez accordé le renfort de
vos marins, nous ne cherchions pas une entrée secrète à
Jérusalem, mais seulement ce livre.
— Comme
les Français, d’ailleurs.
— Et
moi, rappela Djezzar. Farhi est à mon service. »
Smith
nous dévisageait l’un après l’autre.
J’ajoutai :
« Mais
le livre n’était pas là. Peut-être même
n’est-ce qu’un mythe.
— Et
pourtant, soupira Farhi, des enquêteurs le recherchent dans
toute la province de Syrie. Des Arabes, surtout, à la solde
d’un mystérieux personnage qui vit en Égypte. »
J’en
avais la chair de poule.
« On
m’a rapporté que le comte Silano était toujours
en vie.
— En
vie. Ressuscité. Immortel, appuya Farhi.
— Où
veux-tu en venir, Haïm ? coupa Djezzar, exaspéré
par les divagations de son esclave.
— Comme
l’a dit Gage, ce que recherchent tous ces gens n’existe
peut-être pas. Et s’il existe, nous n’avons plus
les moyens de le chercher, coincés comme nous le sommes par
l’armée de Napoléon. Le temps est son ennemi,
d’accord. Mais il est aussi le nôtre. Si le siège
dure trop longtemps, il sera trop tard pour trouver avant lui ce que
cherche toujours le comte Silano. Gage, vous devez repartir sur la
piste du secret avant qu’il soit trop tard. »
*
* *
Pour
trouver Jéricho, je suivis l’odeur du charbon de bois.
Il était dans l’armurerie, au sous-sol du palais de
Djezzar, les traits illuminés par la lueur d’une autre
forge et cognant comme un sourd sur les outils de la guerre :
sabres, lances, longues piques en fourchette à deux dents pour
repousser les échelles dressées, lors d’un
assaut, béliers et baïonnettes. Des boulettes de plomb
refroidissaient dans les moules à balle comme autant de perles
noires, et des morceaux de métal informes s’entassaient
dans un coin, qui se convertiraient plus tard en shrapnels.
Miriam
manœuvrait le soufflet, les vêtements collés au
corps par la transpiration, sa chevelure décoiffée
pendant jusqu’à cette vallée de la tentation, à
la naissance de ses seins. Je ne
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