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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Allessandro Barbero
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les hauts faits des valeureux
chrétiens qui ont combattu les infidèles, et il est évident que « les
païens ont tort et les chrétiens ont raison », comme l’énonce un vers de
la chanson. Quand les guerriers de Roland, formant l’arrière-garde de l’armée
de Charlemagne, se font massacrer par les païens à Roncevaux, ils savent et
disent qu’ils affrontent le martyre, et sont par conséquent certains d’aller au
paradis, même s’ils meurent en brandissant une épée rouge de sang. « Ainsi
parla Roland : Ici nous subirons le martyre, mais celui qui ne se vendra
pas chèrement sera félon. Frappez, seigneurs, avec vos épées luisantes ! »
Dans l’esprit des croisés, en somme, les choses sont simples : puisque je
risque ma vie en allant au-devant du martyre, et qu’en tant que martyr je suis
sûr d’aller au paradis, j’irai au paradis même si je viens de tuer des infidèles.
Il n’y a là aucune place pour les subtilités.
    Qui plus est, l’une des conséquences les plus déplaisantes
des croisades, l’un des éléments qui font qu’aujourd’hui il nous est difficile
d’éprouver de l’empathie pour les gens qui y prenaient part – même si ensuite
nous voyons l’enthousiasme qui les entraînait et si nous finissons par les trouver
sympathiques quand même –, est que c’est précisément à cette occasion que l’on
enregistre les premières explosions de violence contre les juifs en Occident. Des
communautés juives, pendant des siècles, avaient vécu en Europe, faisant plus
ou moins l’objet de discriminations, à dire vrai assez limitées : il n’y
avait ni ghettos, ni étoile jaune à porter sur les vêtements. Désormais, ces
communautés sont systématiquement agressées, avec destructions et bains de sang,
par les foules en marche vers la Terre sainte. Dès que les premières bandes de
croisés qui se sont constituées dans le nord de la France et en Allemagne
rencontrent les nombreux juifs habitant les grandes villes sur le Rhin, elles
les attaquent et les massacrent. Partout où ils passent, les croisés s’en
prennent aux juifs.
    Ayant enfin atteint les Balkans, ils rencontrent des gens
encore plus étranges. Je me réfère ici au récit, dont j’ai parlé plus haut, de
ce chevalier anonyme qui avait pris part à la première croisade et qui nous
montre comment un combattant ordinaire voyait les choses. L’auteur raconte qu’à
un certain moment les croisés arrivent devant une cité fortifiée, dans laquelle
ils ont entendu dire que vivent des manichéens. Personne ne sait ce que sont
les manichéens ; on s’informe, et l’on apprend que ce sont des gens qui ne
croient pas en Dieu, ou qui plus exactement croient que le monde a été créé par
un Dieu mauvais : des hérétiques par conséquent, ennemis de la vraie foi. Nous
savons qu’effectivement la vieille religion manichéenne avait survécu dans les
Balkans, où des communautés s’étaient maintenues depuis la fin de l’Antiquité. Aucun
des croisés venus de France, d’Allemagne et d’Italie méridionale n’en avait
jamais entendu parler, mais dès qu’on leur explique de quoi il retourne leur
réaction est immédiate : massacrons-les tous. De fait, ils attaquent la
cité, y pénètrent et exterminent toute la population, absolument persuadés d’être
en train de faire ce pour quoi ils sont partis, à savoir : combattre les
ennemis de Dieu. Comment leur donner tort, du reste, puisque bientôt le pape
lui-même pensera que la croisade peut être proclamée contre d’autres ennemis
que les musulmans et avec d’autres objectifs que la conquête de Jérusalem ?
Si les ennemis de Dieu sont parmi nous, pourquoi ne pas employer les mêmes
moyens également contre eux ? La papauté n’envisagera jamais de déchaîner
les croisés contre les juifs ; mais lorsque l’hérésie cathare, qui se rattache
précisément aux idées des manichéens, commence à s’enraciner dans le sud de la
France, l’Église prend peur et proclame une croisade pour exterminer ces
cathares – ou ces Albigeois, comme on les appelait.
    Avec la première croisade, donc, un très profond changement
de mentalité se fait jour chez les chrétiens ; et l’Église, face à un
mouvement d’une telle ampleur, renonce assez vite à essayer de jouer un rôle
modérateur. L’idée que ceux qui meurent à la croisade vont directement au
paradis quels que soient les crimes qu’ils ont pu commettre, et que

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