Histoire de croisades
avec humilité sur la voie du
Seigneur. Il y a donc quelque chose de commun dans la mentalité de ces gens qui,
d’un côté comme de l’autre, entendent l’appel à imiter un exemple, à suivre une
voie, même si l’on court le risque d’y trouver la mort.
Voyons donc ce que dit le Coran sur la guerre sainte. Il en
est question dans différentes sourates. Prenons tout d’abord la sourate 22, qui
justement est appelée Sourate du pèlerinage – ici encore il y a un lien
étroit entre les deux notions. « Permission est donnée de combattre à ceux
qui combattent parce qu’ils ont été lésés – en vérité Dieu a pleine puissance
pour les secourir –, à ceux qui, sans droit, ont été expulsés de leurs demeures
seulement parce qu’ils disent : " Notre Seigneur est Dieu. " […]
Dieu secourra à coup sûr ceux qui le secourent. En vérité, Dieu est fort et puissant. »
S’il n’y avait que cela, nous aurions beaucoup de mal à reconnaître le djihad au sens que nous lui donnons de nos jours, mais les commentateurs
considèrent que c’est bien de la même notion qu’il s’agit. Ce qui est affirmé
est que le djihad est légitime, et même prescrit, pour se défendre quand
on est attaqué. On comprend alors pourquoi, pendant des siècles, les Arabes n’ont
guère eu besoin de s’en soucier : après les grandes conquêtes du VII e et du VIII e siècle, le monde islamique était beaucoup plus avancé et
évolué que l’Occident catholique, et les croyants n’étaient menacés par
personne. Mais dès que les premiers croisés posent le pied en terre musulmane, la
nouvelle met le monde islamique en émoi et rappelle cette prescription : dans
le Livre, Dieu a dit que celui qui est attaqué doit se défendre et qu’il sera
aidé en retour.
Dans un autre endroit (la sourate 2), le djihad est
théorisé de façon nettement moins restrictive. Cette fois le problème devient :
que faire avec celui qui ne reconnaît pas le vrai Dieu ? Nous y lisons des
choses plus inquiétantes, et même le verset le plus inquiétant de tous ceux que
contient le Coran sur ce thème : « Combattez dans le chemin de Dieu
ceux qui vous combattent, mais ne soyez pas excessifs ! Dieu n’aime pas
les excessifs. Tuez-les partout où vous les atteindrez ! Expulsez-les d’où
ils vous ont expulsés. » On voit ici combien est profonde dans le Coran, et
par conséquent dans la mentalité collective du monde islamique, l’idée qu’il
est inadmissible que des lieux où auparavant triomphait la vraie foi tombent au
pouvoir des mécréants ; et cela nous aide à comprendre bien des choses. Aussitôt
après, comme toujours, viennent des corrections, des ajustements, des
invitations à la modération : « Ne les combattez pas près de la
mosquée sacrée, avant qu’ils ne vous y aient combattus ! S’ils vous y
combattent, tuez-les. Telle est la récompense des infidèles. S’ils s’arrêtent, certes
Dieu est indulgent et miséricordieux. Combattez-les jusqu’à ce qu’il n’y ait
plus de persécution et que le culte soit rendu à Dieu. S’ils s’arrêtent, qu’il
n’y ait plus d’abus de droit sauf contre les injustes. »
La conception coranique de la guerre sainte est pétrie de
contradictions, souvent fécondes mais aussi redoutables : on y insiste
très fortement sur le fait que la guerre doit être menée avant tout contre les
agresseurs, mais ensuite l’existence même des gens qui nient Dieu est ressentie
comme une agression ; ils doivent alors être combattus jusqu’à ce qu’ils
ne puissent plus nuire, jusqu’à ce qu’ils aient été soumis aux croyants. Un
aspect positif de cette vision est que, dans les grands empires islamiques du
passé, il y avait, comme on sait, non pas une tolérance à proprement parler – le
terme serait inadéquat puisqu’il renvoie, dans la tradition des Lumières, au
respect des idées d’autrui et à un relativisme incompatible avec la conviction
de détenir la vérité unique –, mais une certaine ouverture : les chrétiens
et les juifs pouvaient y vivre s’ils acceptaient de reconnaître la suprématie
des autorités islamiques, en payant un impôt spécial et en n’exigeant pas autre
chose qu’une position subalterne. En effet, le Coran prescrit expressément que « s’ils
déposent les armes et se soumettent, ils pourront continuer à vivre auprès de
vous ».
On trouve même (dans la sourate 47) un passage où il est
observé, non sans une
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