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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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la portèrent à Versailles, par une, deux, trois députations. La première, douze gentilshommes, brutalement mise à la Bastille; la seconde de dix-huit, arrêtée en route, n'empêchèrent pas cinquante-trois députés de pénétrer enfin au Roi.
    Thiard n'en réussit pas moins à disperser le Parlement et à l'exiler de Rennes. La chose fut plus difficile pour le Parlement de Grenoble.
    Le Dauphiné, il faut le dire, ne ressemblait guère à la France. Il avait certains bonheurs qui le mettaient fort à part.
    Le premier, c'est que sa vieille noblesse (l' écarlate des gentilshommes ) avait eu le bon esprit de s'exterminer dans les guerres; nulle ne prodigua tant son sang. À Montlhéry, sur cent gentilshommes tués, cinquante étaient des Dauphinois. Et cela ne se refit pas. Les anoblis pesaient très-peu. Un monde de petits nobliaux labourant l'épée au côté, nombre d'honorables bourgeoisqui se croyaient bien plus que nobles, composaient un niveau commun rapproché de l'égalité. Le paysan, vaillant et fier, s'estimait, portait la tête haute.
    L'histoire de leurs États est belle. On y voit la vigueur du Tiers qui surgit du fond de la terre, la soulève avec son front. Peu nombreux, ne formant pas le cinquième de l'assemblée, il monte. Il exige d'abord des procès-verbaux dans sa langue, écrits en français (1388). Il monte; il obtient d'avoir un veto négatif; s'il ne fait encore, il empêche (1554). Dans les questions qui lui sont propres, il vote double, il obtient la double représentation.
    Un trait singulier du pays, c'est qu'en gravissant l'amphithéâtre des Alpes, on rencontrait sur les hauteurs la vénérable et modeste image de nos vieilles Gaules, de nos fédérations celtiques. Ces contrées froides et stériles n'eussent jamais été habitées si on n'y eût laissé régner le vrai gouvernement humain, la république et la raison. Tout ce que la France désirait (ou ne connaissait même pas), tout ce que le Dauphiné d'en bas conquérait lentement, ce pauvre Dauphiné d'en haut, sous le vent sévère des glaciers, l'avait toujours eu. La déraison féodale, la violence des gouvernements s'arrêtaient là; les intendants de Richelieu, de Colbert, comprenaient eux-mêmes que, s'ils se mêlaient de ce peuple, il descendrait, s'en irait, laissant un éternel désert. Il avait fait un bon cadastre; on lui laissait répartir l'impôt (payé très-exactement). On le laissait faire ses routes, ses travaux, bref se gouverner. Ils disent très-fortement que, pour leurs charges,ils n'ont que faire d'aucune autorisation et n'ont pas à rendre compte,—qu'ils ont acheté ces droits, par maints sacrifices, «par des services à la patrie qu'ils rendirent et rendront encore.» (Fauché-Prunelle, 704.)
    L'idéal américain, en bien des choses essentielles, était ainsi suspendu au-dessus du Dauphiné. À travers toutes les misères qu'il traversait avec la grosse monarchie, il n'avait qu'à regarder vers un certain point des neiges pour aspirer l'air meilleur, se redresser, se sentir homme. Dans les veines les plus royalistes, cet air gaillard de la montagne mettait du républicain.
    Depuis l'enregistrement du 10 mai, fait à main armée, jusqu'au 7 juin, où le gouverneur Clermont-Tonnerre envoya aux magistrats les ordres d'exil, l'irritation alla croissant. Grenoble semblait ruinée par la perte du Parlement. La province se crut perdue. Un violent écrit du jeune avocat Barnave fut semé la nuit dans les rues. Le 20 mai, le Parlement avait lancé (une vive provocation qui semblait l'appel aux armes): «Il faut enfin leur apprendre ce que peut une nation généreuse qu'on veut mettre aux fers.»
    On pensait bien qu'il y aurait un soulèvement à Grenoble. On y avait envoyé deux solides régiments (Austrasie et Royal-Marine). L'ordre était de ne pas tirer, mais charger à la baïonnette, n'employer que l'arme blanche, qui, sans bruit, n'en est que plus sûre dans la foule pour frapper de près.
    J'ai sous les yeux huit ou dix relations de la journée du 7 juin; celle du Parlement, celle de l'Hôtel de ville, les lettres du procureur du roi, les récits d'un procureur,d'un étudiant (L. Berriat Saint-Prix), d'autres anonymes. Le meilleur, celui d'un religieux, est adorablement naïf. C'est un vieux cahier où le bonhomme qui jardine, écrit les vertus des plantes, des recettes de jardinage, de médecine, etc. Mais le tocsin a sonné. Il retourne son cahier, il écrit la Révolution ( Bibl. de Grenoble

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