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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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autorité et il l’a montré en plusieurs occasions. Les historiens regrettent donc en somme qu’il n’ait pas exercé le pouvoir d’une manière aussi personnelle que son arrière-grand-père. Peut-être ne réfléchit-on pas que les circonstances au milieu desquelles Louis XV atteignit sa majorité ne ressemblaient pas à celles de 1660. Le besoin de commandement que l’on ressentait alors n’existait plus. Ce qui dominait, au contraire, c’était l’esprit critique. La vogue des institutions anglaises, développée par Montesquieu et par Voltaire, favorisée par les essais de réforme de la Régence, commençait. Autant la situation avait été nette et simple à l’avènement de Louis XIV, autant la tâche du gouvernement redevenait difficile.
    C’est cependant par un acte d’autorité que débuta Louis XV, à seize ans, lorsqu’il renvoya le duc de Bourbon, à peu près comme Louis XIII avait secoué la tutelle de Concini. Le jeune roi avait donné sa confiance à son précepteur Fleury, évêque de Fréjus. Choix heureux : ce sage vieillard dirigea les affaires avec prudence. Il y eut, pendant quinze ans, une administration intelligente, économe, qui remit les finances à flot et rétablit la prospérité dans le royaume, prouve qu’il n’était pas condamné à la banqueroute depuis la guerre de succession d’Espagne et le Système de Law. De tout temps, la France n’a eu besoin que de quelques années de travail et d’ordre pour revenir à l’aisance et à la richesse. Notre éclatante civilisation du dix-huitième siècle ne s’expliquerait pas sans cette renaissance économique qui fut singulièrement aidée par les traditions bureaucratiques que le siècle précédent avait laissées. Il ne faut pas dire trop de mal des bureaux : leurs abus ne les empêchent pas d’être indispensables. Orry, dont le nom est resté obscur, fut un digne successeur de Colbert dans la gestion des deniers publics. D’Aguesseau, qui est illustre, continua l’œuvre législative que Colbert avait commencée, et, pour une large part, ses ordonnances ont été reproduites par le Code civil, car la Révolution a continué au moins autant qu’elle a innové.
    Appliqué au relèvement de la France, Fleury, au-dehors, évitait les aventures. Il n’avait pas de grandes vues de politique européenne mais un sens assez juste de l’utile et du nécessaire. Le point noir de l’Europe, à ce moment-là, c’était la succession d’Autriche qui se présentait d’ailleurs autrement que la succession d’Espagne. L’Empereur Charles VI, n’ayant que des filles, se préoccupait de laisser ses États héréditaires à l’archiduchesse Marie-Thérèse et il cherchait à faire signer et garantir ses dispositions testamentaires, sa « Pragmatique sanction », par toutes les puissances. En France, un parti déjà nombreux représentait que la maison d’Autriche était l’ennemie du royaume, que nous n’avions pas intérêt à la perpétuer et que l’occasion de l’abattre définitivement ne devait pas être perdue. On était antiautrichien au nom de la tradition et des principes de Richelieu. Ainsi naissait, sur une question de politique étrangère, une controverse qui devait dégénérer en conflit, un conflit qui, un jour, deviendrait fatal à la monarchie elle-même.
    Fleury se contentait de surveiller les événements et de déjouer les intrigues qui pouvaient mettre la paix en danger, tout en refusant de signer la « Pragmatique sanction » de Charles VI pour échapper à des difficultés intérieures et peut-être en calculant aussi qu’il tenait l’empereur par l’espoir de sa signature. Quelle que fût sa prudence, Fleury, qui était accusé de pusillanimité par l’opinion publique, comme Louis-Philippe le sera cent ans plus tard, se vit, bien malgré lui, obligé d’intervenir en 1733, lorsque l’indépendance de la Pologne fut en danger. La France a toujours eu besoin d’un allié qui pût prendre l’Allemagne à revers, et la Suède, qui avait rempli cette fonction au dix-septième siècle, s’en était d’autant plus détournée qu’elle était aux prises avec la Russie rénovée par Pierre le Grand : l’apparition de la puissance russe a été dans le système européen le principe de bouleversements dont la France a eu à souffrir. L’intangibilité et l’alliance de la Pologne étaient alors des préceptes que la politique française a retrouvés depuis 1918 et qui lui ont

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