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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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prêtes à en venir aux mains. Sans rompre l’alliance autrichienne, sans se rejeter du côté de la Prusse, dans le véritable esprit de notre politique d’Allemagne, fondée sur la tradition bien comprise de Richelieu, Louis XVI et Vergennes ne s’étaient pas laissé détourner de la guerre maritime par une guerre terrestre, la preuve était faite que l’Angleterre ne pouvait être atteinte que sur les mers. La paix conservée en Europe eut un autre avantage : non seulement l’Angleterre n’eut pas d’alliés, mais les peuples, menacés par son avidité et las de sa tyrannie navale, se rangèrent de notre côté, comme l’Espagne et la Hollande, tandis que les autres, sur l’initiative de la Russie, formaient une ligue des neutres, ligue armée, décidée à imposer aux Anglais la liberté de leur navigation.
    Ces circonstances, dues à une sage politique, ont permis à la monarchie expirante de prendre sa revanche du traité de Paris. La guerre de l’Indépendance américaine n’a été par le fait qu’un épisode de la rivalité anglo-française. L’Angleterre renonça à vaincre les insurgés (qui traitèrent d’ailleurs sans nous attendre) le jour où elle eut renoncé à nous vaincre sur mer. Notre flotte n’avait pas été reconstruite et fortifiée en vain. L’argent qu’elle avait coûté n’avait pas été inutile. Si un projet de débarquement en Angleterre avorta, comme avortera celui de Napoléon, partout, de l’Océan Atlantique à l’Océan Indien, nos escadres avaient tenu les Anglais en échec, et le bailli de Suffren s’illustra comme un de nos plus grands marins. L’Angleterre n’était plus la maîtresse incontestée des mers. Elle avait convoité les colonies espagnoles et hollandaises pour compenser la perte de l’Amérique : elle dut s’en passer, et, si elle garda Gibraltar, rendit Minorque à l’Espagne. Nous-mêmes, par le traité de Versailles (1783), nous affranchissions Dunkerque des servitudes laissées par le traité d’Utrecht, nous retrouvions le Sénégal, sans lequel notre empire africain d’aujourd’hui n’existerait pas. Notre prestige restauré en Extrême-Orient nous permettait de pénétrer en Annam et d’amorcer notre établissement dans l’Indochine par laquelle, un jour, nous remplacerions l’Inde. Grand enseignement qui ne doit pas être négligé : nous avions perdu nos colonies sur la mer ; c’était aussi sur la mer que nous commencions à réparer cette perte.
    Le défaut du traité de Versailles, c’était d’être une sorte de paix sans vainqueurs ni vaincus. Elle prouvait que nous étions capables de tenir tête à l’Angleterre. Elle ne résolvait rien. Le compromis de 1783 était un résultat, mais fragile. L’équilibre pouvait toujours être rompu par l’effort maritime de l’un ou de l’autre pays et c’est ce que l’Angleterre craignait de notre part et préparait de son côté. Vergennes, prudent et modéré, voulut consolider la situation acquise. La rivalité de la France et de l’Angleterre lui apparaissait comme un malheur et il disait que les incompatibilités entre les nations n’étaient qu’un préjugé. En 1786, par un traité de commerce qui sera un des griefs des états généraux contre la monarchie (on lui reprochait d’avoir inondé la France de marchandises anglaises), le gouvernement de Louis XVI voulut réconcilier les deux pays, les unir, les associer par les échanges, par leur participation à une prospérité, qui, des deux côtés de la Manche, grandissait tous les jours. Dans toutes les affaires qui se présentèrent jusqu’à la Révolution (en Hollande, par exemple, où nos amis les républicains furent renversés par les orangistes, à l’instigation de la Prusse et de l’Angleterre), la France évita ce qui pouvait conduire à un conflit. Elle laissa faire. Elle fut volontairement « conciliante et pacifique ». Pourtant l’Angleterre observait nos progrès avec jalousie. Elle ne consentait pas à partager la mer avec nous, et plus son industrie et sa population se développaient, plus elle dépendait de son commerce, plus elle redoutait notre concurrence. Au fond du peuple anglais l’idée montait que la paix blanche de 1783 avait démontré la nécessité d’arrêter la renaissance maritime de la France. La rivalité, longue déjà de près d’un siècle, à laquelle Vergennes avait espéré mettre un terme, devait éclater bientôt avec une nouvelle violence, et les

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