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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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C’était pour la France l’occasion d’effacer les conséquences du traité de Paris, de s’affranchir et d’affranchir l’Europe des « tyrans de la mer ». Cette occasion pouvait-elle être perdue ? À cet égard, les pensées qui divisaient le gouvernement français divisent encore les historiens selon le point de vue auquel ils se placent. L’historien des finances juge que cette guerre a été funeste, parce qu’elle a en effet coûté un milliard cinq cents millions ou deux milliards et, comme Turgot l’avait annoncé, précipité la banqueroute. L’historien politique estime que le résultat à atteindre valait plus que ce risque. Ce fut l’avis de Vergennes et c’est parce qu’il l’emporta que Turgot préféra se retirer.
    Nous sommes ici à la jointure des difficultés extérieures et des difficultés politiques et financières auxquelles la monarchie devait bientôt succomber. Nous avons vu se développer un état de l’esprit public qui avait quelque chose de morbide : Michelet n’a pas tort de souligner l’importance du magnétisme de Mesmer et de l’invention des ballons qui fortifièrent la foi dans les miracles humains, les miracles du progrès. Nous avons vu d’autre part que le pouvoir avait perdu de son énergie et qu’il s’était mis lui-même sur la voie qui devait le conduire à convoquer les états généraux, c’est-à-dire à déterminer l’explosion. La guerre d’Amérique, dont il n’aurait pu se dispenser sans compromettre les intérêts de la France et se résigner pour elle à un effacement irréparable (qu’on pense à ce que serait aujourd’hui l’empire britannique s’il comprenait en outre les États-Unis), la guerre d’Amérique donna le choc par lequel la révolution fut lancée.
    Disons tout de suite que Necker, appelé aux finances sous le couvert d’un homme de paille, parce qu’il était étranger, trouva les moyens de financer la guerre contre les Anglais. Mais à quel prix ! Par ses combinaisons d’emprunt, terriblement onéreuses pour le Trésor, il légua à ses successeurs un fardeau écrasant dont ils ont porté l’impopularité. Ici encore, quelle peine on a à choisir : s’il n’est pas juste d’accuser Calonne et Brienne des fautes de Necker, l’est-il de reprocher à Necker, chargé de trouver de l’argent pour la guerre, de s’en être procuré par des moyens faciles, qui avaient l’avantage de ne soulever l’opposition de personne, mais par lesquels, bientôt, nos finances devaient culbuter ?
    L’engouement du public pour la cause de l’indépendance américaine aida Necker à placer ses emprunts et Vergennes à réaliser ses projets. L’Amérique, en se soulevant contre l’Angleterre, faisait écho à l’idée de liberté que le dix-huitième siècle avait répandue. Le « bonhomme Franklin », au fond un assez faux bonhomme, qui vint à Paris plaider pour son pays, sut flatter la sensibilité à la mode et fut reçu comme un personnage de Jean-Jacques Rousseau. Cet enthousiasme se traduisait par le départ, sur lequel le gouvernement ferma les yeux, de La Fayette et de ses volontaires. Un peu plus tard, la France envoya, en Amérique, avec de nombreux subsides, des troupes régulières sous Rochambeau. Il n’est pas douteux que, sans notre concours militaire et pécuniaire, les insurgés américains eussent été écrasés.
    Cependant l’expérience de la guerre de Sept Ans n’avait pas été perdue. Vergennes savait que pour lutter avec avantage contre l’Angleterre, la France devait avoir les mains libres sur le continent. Partisan de l’alliance autrichienne, il refusait d’en être l’instrument et de la détourner de son objet véritable qui était de maintenir en Allemagne, contre la Prusse, l’équilibre créé par le traité de Westphalie. L’empereur Joseph II, esprit brillant et inquiet, que les lauriers de Frédéric empêchaient de dormir, crut que les hostilités entre la France et l’Angleterre s’accompagneraient d’une nouvelle guerre continentale favorable à ses ambitions. Vergennes se hâta de le détromper : l’Autriche ne devait pas devenir, à nos frais, comme la Prusse, une cause de désordres en Allemagne. Joseph II, à la mort de l’électeur de Bavière, ayant voulu s’emparer de ses États, la France intervint au nom de son droit de garantie sur l’Empire germanique et, par la convention de Teschen (1779), imposa sa médiation à l’Autriche et à la Prusse,

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