Histoire de France
Anglais, cette fois, seraient résolus à mener la lutte jusqu’au bout. On comprend ainsi que la Révolution française ait été pour l’Angleterre ce que la révolution d’Amérique avait été pour la France : un élément de leur politique, une occasion et un moyen.
Le gouvernement de Louis XVI avait de nombreuses raisons de tenir à la paix. D’abord, trop heureux d’avoir effacé les suites funestes de la guerre de Sept Ans, il voulait s’en tenir là, ne pas compromettre les résultats acquis et il avait l’illusion que la France lui en saurait gré. En outre, l’état de l’Europe n’était pas bon. La question d’Orient, apparue avec les progrès de la Russie, mettait en danger deux clients de la France, l’État polonais, notre allié politique, et l’Empire ottoman où nos intérêts matériels et moraux accumulés depuis deux cent cinquante ans étaient considérables. Protéger à la fois l’intégrité de la Turquie et l’indépendance de la Pologne, déjà atteinte par un premier partage ; se servir de l’alliance autrichienne pour empêcher l’empereur de succomber aux tentations de Catherine de Russie qui offrait à Vienne et à Berlin leur part des dépouilles turques et polonaises ; mettre en somme, l’Europe à l’abri d’un bouleversement dont l’effet eût été – et devait être – de faire tomber la France du rang qu’elle occupait, de la situation éminente et sûre qu’elle avait acquise sous Richelieu et Louis XIV : tels furent les derniers soucis de la monarchie française. On conçoit le soulagement avec lequel les autres monarchies en apprirent la chute, puisqu’elle était le gendarme qui maintenait l’ordre en Europe et empêchait les grandes déprédations.
Une autre raison vouait le gouvernement à la prudence la question d’argent, considérablement aggravée par les frais de la guerre d’Amérique et qui devenait une des grandes préoccupations du public autant qu’elle était celle du pouvoir. L’ensemble et l’enchaînement de tous ces faits rendent compte de la manière dont s’est produite la Révolution.
Par les exemples que nous avons sous les yeux et par l’expérience de la guerre et des années qui l’ont suivie, où mille choses du passé ont été revécues, nous comprenons aujourd’hui qu’une mauvaise situation financière puisse accompagner la prospérité économique. Tous les témoignages sont d’accord : la prospérité était grande sous le règne de Louis XVI. Jamais le commerce n’avait été plus florissant, la bourgeoisie plus riche. Il y avait beaucoup d’argent dans le pays. Tout considérable qu’il était, le déficit pouvait être comblé avec un meilleur rendement des impôts. Malheureusement, les ministres réformateurs se heurtaient aux vieilles résistances, qui n’étaient pas seulement celles des privilégiés, mais celles de tous les contribuables dont le protecteur attitré était le Parlement. La prodigieuse popularité de Necker tint à ce qu’il eut recours non à l’impôt, mais à l’emprunt. Habile à dorer la pilule, à présenter le budget, comme dans son fameux Compte rendu, sous le jour le plus favorable, mais aussi le plus faux, il n’eut pas de peine, en fardant la vérité, à attirer des capitaux considérables. De là deux conséquences : les porteurs de rente devinrent extrêmement nombreux et une banqueroute frapperait et mécontenterait désormais un très grand nombre de personnes ; d’autre part, Necker, ayant donné l’illusion qu’on pouvait se passer d’impôts nouveaux, eut la faveur de tous les contribuables, notamment du clergé, à la bourse duquel on avait coutume de s’adresser en cas de besoin, mais il rendit par là les Français de toutes les catégories encore plus rebelles à la taxation.
Necker était tombé en 1781, deux ans avant la fin de la guerre, sur une question de politique intérieure. Emprunter ne suffisait pas. Il fallait trouver des ressources par une réforme financière. Aucune n’était possible si les Parlements s’y opposaient. C’est pourquoi Necker avait entrepris de créer dans toutes les provinces, quels qu’en fussent le régime et les droits, des assemblées provinciales à qui seraient en partie transférés les pouvoirs des Parlements et des intendants. Dès qu’on sut que Necker voulait « attacher les Parlements aux fonctions honorables et tranquilles de la magistrature et soustraire à leurs regards les grands objets
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