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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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enfin, vote par tête et non par ordre, c’est-à-dire possibilité pour le troisième ordre d’avoir la majorité sur les deux autres. La formule courut la France, eut un immense succès. La vieille outre des états généraux, remise en honneur par les amateurs d’anciennetés, allait s’emplir de vin nouveau. Chose curieuse, qui n’étonne plus après ce que nous avons vu déjà : des retardataires comptaient sur les états pour y faire de la politique, y défendre habilement leurs intérêts, comme à ceux de 1614. Certains « cahiers » montrent que la noblesse espérait rejeter le poids des impôts sur le clergé et réciproquement. Il n’y aura qu’un grand balayage, où disparaîtront privilèges, exemptions, vieilles franchises provinciales, Parlements eux-mêmes, gouvernement et monarchie, tout ce qui avait cru, par le retour à l’antique institution, se conserver ou se rajeunir.
    Lorsque fut lancée la proclamation de Vizille, Brienne avait déjà, le 5 juillet, annoncé les états sans toutefois fixer de date pour les réunir. L’assemblée du clergé, en refusant de fournir un secours d’argent, avait porté le coup de grâce à cet évêque-ministre. Dans tout ceci, les questions financières épousent les questions politiques. Le Trésor était vide, réduit aux expédients. On était sur le point de suspendre le service des rentes. Il devenait difficile de payer les fonctionnaires. Afin d’amortir le coup, Brienne, le 8 août, convoque décidément les états généraux pour le ler mai 1789. Le 16, il annonce que l’État est à bout de ressources et il donne de cette demi-banqueroute la raison qui reste la vraie : « La confiance publique a été altérée par ceux mêmes qui auraient dû conspirer à la soutenir ; les emprunts publics ont été contrariés comme s’ils n’eussent pas été nécessaires. » Alors, sous le haro général, comme naguère Calonne, Brienne tomba.
    Ainsi la plaie d’argent, dont l’ancien régime souffrait depuis longtemps, était devenue mortelle. Et la racine du mal était dans les libertés, franchises, immunités, héritage historique de la difficile constitution de la France, garanties qui rendaient l’individu ou le groupe plus fort et l’État plus faible. Nous n’avons plus l’idée d’exemptions fiscales attachées à des terres ou à des villes ; de Cours souveraines dont les magistrats, indépendants du pouvoir puisqu’ils ont acheté leurs charges comme une propriété, prennent systématiquement la défense des contribuables ; de provinces privilégiées ou récemment conquises qui jouissent de leur autonomie financière : un quart de la France vivait sous un autre régime que le reste du royaume. Le clergé, également autonome, a son budget, sa dette, ses charges, mais, vis-à-vis de l’État, il accorde ou refuse à volonté son « don gratuit ». Sous la coalition de ces droits, les finances de l’ancien régime ont succombé et l’ancien régime a succombé avec elles pour avoir abandonné la politique que lui avaient tracée Richelieu, Louis XIV et Louis XV, pour avoir incliné son pouvoir devant des pouvoirs qu’il aurait fallu dominer et discipliner. Et qu’est-il arrivé après lui ? Quelle qu’ait été l’œuvre fiscale de la Révolution, la simplification qu’elle a obtenue, l’unification qu’elle a réalisée dans l’État, elle ne s’en est pas mieux tirée que la monarchie, parce qu’en même temps elle a provoqué le désordre et qu’elle a été impuissante à le réprimer. Aussi est-elle tombée tout de suite dans une faillite irrémédiable, celle des assignats. L’ordre financier ne reviendra qu’avec la dictature de Napoléon. D’où cette conclusion, dont l’apparence seule est paradoxale, que ce qui a le plus manqué à la monarchie, c’est l’autorité, au moment même où on se mettait à l’accuser de despotisme.
    Puisqu’elle a péri par la question d’argent, il faut donc savoir si cette question était insoluble. Deux faits vont répondre : le déficit, d’après le compte rendu de Brienne, était de 160 millions sur une dépense d’un demi-milliard. La France comptait alors environ 25 millions d’habitants : c’était une affaire de 6 à 7 francs par tête. D’autre part, le service des emprunts absorbait la moitié des recettes. Une proportion pareille a semblé excessive et irrémédiable jusqu’au jour où nos budgets d’après-guerre ont montré une

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