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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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proportion encore plus forte. On ne peut donc pas dire que la situation fût désespérée. Elle n’était sans issue, répétons-le, que par l’incapacité où se trouvait l’État de créer les ressources suffisantes et de percevoir des impôts calculés sur ses besoins. Àcet égard, la Révolution ne sera pas plus heureuse et 1a liberté ne lui réussira pas mieux que les libertés n’ont réussi au roi. Quant aux frais de la famille royale et de la Cour, quant aux faveurs et aux pensions, dont on a tant parlé, outre que beaucoup récompensaient des services rendus à l’État et constituaient des retraites, on ne peut rien en dire de plus juste que ceci : « Il n’existe pas et il ne peut exister de statistiques pour ce genre de dépenses ou de ressources taries, pas plus qu’il n’en existe, pour des temps plus voisins de nous, des économies empêchées, des sinécures établies et maintenues, des dépenses inutiles imposées par les influences parlementaires et les servitudes électorales. » (Marion, Histoire financière de la France.)
    Cependant, il fallait vivre jusqu’à cette convocation des états généraux où chacun mettait son espoir. Louis XVI rappela le magicien, le prestidigitateur, Necker, l’homme par qui le crédit renaissait. Cette fois, Necker eut tous les pouvoirs d’un ministre et il se remit à l’œuvre, plein de confiance dans ses talents. Il prêta deux millions de sa fortune personnelle au Trésor, obtint des avances des banquiers, paya tout à guichets ouverts. Mais le grand défaut de Necker, surtout dans un temps comme celui-là, était de voir les choses du point de vue financier et non du point de vue politique. Il ne comprit pas ce qui se préparait, c’est-à-dire une révolution dont il fut encore plus étonné que bien d’autres. Son excuse est dans un malentendu à peu près général. On le vit bien lorsque le Parlement, retrouvant son esprit réactionnaire, décida que les états généraux seraient tenus dans les mêmes formes que ceux de 1614. Au fond, tout le monde comptait sur ces états pour y défendre ses intérêts, comme dans ceux des autres siècles. La couronne elle-même pensait que, comme autrefois, les ordres, les classes, les corps s’y combattraient et qu’elle serait l’arbitre de cette lutte. Ce n’était plus cela du tout. La réclamation du tiers état, celle du vote par tête, formulée à Vizille, devenait irrésistible. Pour l’avoir repoussée, le Parlement perdit sa popularité en un jour. Necker ayant eu l’idée, comme Calonne, de consulter les notables, ceux-ci qui, en 1787, avaient demandé des états généraux pour éviter un sacrifice d’argent, devinrent hostiles du moment que ces états ne répondaient plus à leurs calculs et s’annonçaient comme devant diminuer les deux premiers ordres au profit du troisième. Notables, Parlements regrettèrent alors d’en avoir tant appelé à la représentation nationale. Il était trop tard. Mais déjà, dans la France naguère unanime, se découvrait la prochaine scission.
    Le malentendu n’était pas seulement là. On a beaucoup parlé, et avec admiration, des « cahiers » qui, selon la coutume, furent rédigés dans tous les bailliages et qui devaient résumer les vœux de la nation. En réalité, ils sont ou bien contradictoires ou bien vagues. Ils soulèvent tous les problèmes sans en résoudre aucun. Il est bien vrai qu’on n’y trouve pas un mot contre la monarchie, et la France tout entière y paraît royaliste. Mais ce qu’ils demandent équivaut à un bouleversement du gouvernement et de la société. Ils manifestent un vif attachement aux anciennes libertés et aux privilèges locaux en même temps que le désir d’unifier les lois. Surtout, et là-dessus les trois ordres sont d’accord, le principe très vieux, très naturel, que les impôts doivent être consentis, leur emploi contrôlé par ceux qui les paient, est affirmé avec vigueur. Le souci des finances, la haine du déficit et de la banqueroute, sentiments louables, s’accompagnent d’une critique impitoyable des impôts existants. On y voit que les privilégiés tiennent d’autant plus à leurs exemptions qu’elles les mettent à l’abri de la taille, c’est-à-dire de l’inquisition fiscale. Plus d’impôts personnels, plus de la taille détestée ; là-dessus, l’accord est parfait. Cette réforme sera réalisée. Réforme plus que légitime : excellente. Pour plus d’un

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