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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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magistrats. Son système, artificiel, n’eut qu’une conséquence. Que voulait-il ? Le roi dans ses conseils, le peuple en ses états ? Donc, plus de pouvoirs intermédiaires, appel direct à la nation. Ainsi, bien qu’il les promît seulement pour plus tard, Brienne à son tour annonçait des états généraux. En jouant à l’archaïsme, le gouvernement et les Parlements hâtaient également l’heure d’ouvrir les écluses. À ce jeu, on se blessa à mort. La famille royale elle-même s’y déchira : le duc d’Orléans, entré dans l’opposition, fut exilé à Villers-Cotterets pour avoir publiquement reproché à Louis XVI d’agir contre la légalité, le jour de l’enregistrement forcé des nouveaux édits.
    Le gouvernement devenait impossible, parce qu’il avait multiplié les obstacles sur sa route, placé un piège devant chacun de ses pas, à un moment où il n’y avait plus de bonne volonté nulle part. Au fond, le plus grand sujet de mécontentement et d’inquiétude, c’était la question d’argent. Les privilégiés redoutaient les impôts : une assemblée du clergé, réunie par Brienne qui en espérait un subside, le refusa net, déclara, tant le prétexte était commode, que le peuple français n’était pas imposable à volonté. D’autre part, les nombreux créanciers de l’État et porteurs de rentes s’alarmaient. Personne ne voulait payer, les rentiers voulaient l’être. Tout le monde comptait sur les états généraux, soit pour échapper à la taxation, soit pour garantir le paiement de la dette publique : autant de Gribouilles impatients de se jeter à l’eau de peur d’être mouillés. Cependant les impôts existants rentraient mal, parce que le nouveau mécanisme des assemblées provinciales ne fonctionnait pas encore bien. Les ressources du Trésor étaient taries, parce que, la confiance étant ébranlée, sinon détruite, on ne souscrivait plus aux emprunts, tandis que les banquiers refusaient des avances. Le gouvernement, non sans courage, lutta encore pendant quelques mois contre vents et marées, ne renonçant pas aux réformes, persistant à se montrer plus libéral que le Parlement, le forçant à donner aux protestants un état civil. En mettant tout au mieux, il eût fallu au pouvoir cinq ans de tranquillité pour rétablir un peu d’ordre dans les finances. Ce répit, il était trop tard pour l’obtenir. Les Parlements avaient parlé, plus fort que tout le monde, d’états généraux, de liberté individuelle, d’abolition des lettres de cachet. L’opinion publique prenait le parti des Parlements dont la résistance paralysait l’État et l’acculait à la faillite par le refus des impôts. La Révolution commença ainsi comme avait commencé la Fronde, avec cette différence que, cette fois, la province donna le signal du mouvement, Paris n’ayant vu encore que quelques manifestations sans portée.
    En Bretagne, en Dauphiné, en Béarn, les mesures de rigueur prises contre les Parlements réfractaires déterminèrent une sérieuse agitation. Il y avait, dans ces provinces réunies plus ou moins tardivement au royaume, un bizarre mélange, celui qui se retrouvait jusque dans l’esprit du roi, d’idées anciennes et nouvelles, d’attachement aux vieilles franchises, diminuées ou menacées, et d’enthousiasme pour les principes libéraux. L’extrême complexité de la situation politique et morale ne peut être sentie que si l’on observe, par exemple, qu’à Rennes la noblesse prit la défense de son Parlement, que des gentilshommes bretons envoyés à Paris pour protester auprès du roi tinrent un langage si insolent qu’ils furent mis à la Bastille, où ils illuminèrent, aux applaudissements du peuple de Paris, le jour de la chute de Brienne. En Dauphiné, la noblesse comptait peu, se confondait avec la bourgeoisie. Là toutes les classes s’unirent pour la défense du Parlement dauphinois. Une assemblée des trois ordres se tint spontanément, et, le gouvernement lui ayant interdit Grenoble, siégea à Vizille, d’où partit, le 21 juillet, une déclaration qui retentit à travers la France. Programme clair, complet, dont le juge Mounier était l’auteur, frappant résumé des idées qui flottaient partout depuis dix ans, que les ministres eux-mêmes avaient lancées ; pas de réformes, pas de subsides, sans le vote préalable des états généraux ; élection de tous les députés ; double représentation du tiers état ;

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